LA BALLADE DE LA FEMME DU PENDU

de Vivianne Casolari

Chapitre I

« De nos jours, les gens connaissent le prix de tout,
mais ils ne savent la valeur de rien. »
Oscar Wilde

 

Annabelle est coiffeuse et prend son métier très à cœur. C’est la plus jolie, la plus souriante, la préférée des clients. Ce qui l’amuse, ce sont les regards pleins d’envie que lui lancent les filles du salon, alors elle n’hésite pas à en remettre. Une pointe de sadisme pimente la vie et elle s’y connaît.

Aujourd’hui, elle a 45 ans, ce qui est loin de la réjouir. Ce n’est pas l’âge qui la tracasse, c’est qu’elle n’a pas encore trouvé l’homme qui lui faut. Pire, elle est mariée avec un homme qu’il ne lui faut plus !

Marcel, l’heureux mari, est architecte d’intérieur, paysagiste et autres métiers associés. Il ne manque pas d’entreprises ou de privés qui font appel à lui. Son savoir-faire est connu, voire reconnu.
Quoiqu’il en soit c’est la crise, tout le monde compte ses sous et les offres diminuent. Annabelle s’obstine à ignorer cette réalité qui pourtant affecte également les salons de coiffure, elle accuse Marcel de manquer d’ambition.

Il paraît que ce feignant a un ulcère à l’estomac, ou autre chose, elle n’a pas bien compris…Mais elle, est-ce qu’elle se plaint de rester debout toute la journée à avaler des cheveux, des poils, et à utiliser des produits nocifs. Elle est bonne pour faire des crises d’asthme et d’eczéma dans quelques années !

A part ses petites affaires personnelles, les gros casse-tête du genre « quel couleur de vernis à ongles… », rien ne l’intéresse.

*

 

Tous les samedis, ils sont invités chez Yvan, le frère de Marcel et sa femme Lucile. C’est la tradition et ça tombe bien, car le couple n’a plus beaucoup de sujets de discussion, mais des sujets à discussion.

Le lumineux appartement d’Yvan et de Lucile permet à tout un chacun d’admirer le lustre qu’ils ont ramené de leurs vacances. Un Murano aux délicates teintes bleues, roses, vertes. Une splendeur !

Lucile en a de la chance, deux enfants, un beau mari qui gagne bien sa vie, et tout le reste…Le bonheur appelle le bonheur. Au tour d’Annabelle d’être dévorée par l’envie. D’autant plus, qu’Yvan n’a jamais succombé à ses avances et Dieu sait qu’elle y a mis du sien, on peut lui faire confiance.

Bien que le repas fût excellent, elle ne le digère pas. De toute façon, Marcel en fait les frais, c’est toujours lui le responsable !

*

Il a refusé une belle proposition. Ce mal d’estomac qui le ronge nuit et jour lui plombe le moral. En parler avec Annabelle le soulagerait, mais il ne s’y risque plus, car si c’est pour l’entendre ricaner, non merci !

Après son boulot, il passe au Pub. Il y rencontre quelques amis, boit une chope, rassemble son courage avant l’interrogatoire auquel son épouse le soumet chaque jour.

Dans le 36ème dessous, il se décide à prendre le chemin de leur appartement. Une odeur de carbonnades flamandes l’accueille dans le hall. Est-ce possible ? Son plat préféré ! Contrairement à l’engueulade du soir, il a droit à un sourire, et tenez-vous bien, sa femme porte rien que pour lui, une nouvelle robe. Tout arrive ! Ou plutôt que va-t-il lui arriver ?

Après l’apéro, les mises en bouche, les carbonnades qui achèvent doucement leur cuisson, Annabelle passe à l’attaque. Elle compte obtenir un lustre, encore plus comme-ci et encore plus comme-ça, que celui de qui vous savez…

Comme s’il était retourné à l’école, Marcel distingue sur le mur de leur salon, un tableau noir sur lequel s’inscrit la liste des futurs achats.

Dans son enfance, on lui apprenait que l’accumulation de biens ne menait pas au bonheur. Apparemment, sa femme n’a pas été élevée selon les mêmes critères.

*

Chapitre II

 

« Un poids pesait sur ses épaules, il se disait que c’était comme un destin, et que le destin n’apparaît que lorsqu’il se conclut. »
Apollinaire – ALCOOL.

 

 

Marcel a plié et la suite logique est qu’il accepte le travail auquel il venait de renoncer, à savoir l’aménagement du jardin d’une maison en construction. Il fera le maximum et même plus, car on le sollicite d’ores et déjà pour la décoration intérieure.

Quelques semaines plus tard, un magnifique lustre, « plus grand, plus cher », trône au milieu de leur plafond. Pour la cause, Annabelle a convié Yvan et sa femme, elle a mis les petits plats dans les grands, elle est dans son fief ce qui augmente encore son assurance.

Bien faite, elle se pavane, se rengorge comme une grosse poule, et nous l’aurons compris, elle ne travaille pas dans la dentelle.

Lucile connaît bien Annabelle, elle l’a percée à jour. Elle est confiante dans son Yvan, cet Yvan qu’elle lui jalouse tellement. Prise de compassion, plutôt de pitié devant le cinéma éhonté de sa belle-sœur, elle se lève et va l’embrasser. Annabelle pâlit affreusement…

Depuis le début des temps, les femmes possèdent le secret du « code des grimaces », code auquel les hommes ne comprendront jamais rien.

*

Annabelle est satisfaite de sa journée. Particulièrement à son avantage, elle a reçu son quota de compliments. Elle étrennait une superbe paire d’escarpins et pas n’importe lesquels, de marque chère, même très chère. Et puis zut ! Ce n’est pas à 60 ans qu’elle se permettra des talons de cette hauteur. Il faut qu’elle en profite, ça urge à la fin !

Bonne fille, elle pense à Marcel qui a trimé pour les lui payer et pleine de bonnes résolutions, elle décide d’être gentille. Hier, il était si pâlot.

Allons-y pour un câlin impromptu, une fois n’est pas coutume !

*

Toujours aux prises avec des nausées et de violents maux d’estomac, Marcel  consulte pour la troisième fois le médecin, qui lui prescrit des antidépresseurs, des comprimés gastro-résistants, une série d’examens pour une santé qui bat de l’aile. Rien de nouveau.

Rentré chez lui, assis sur le divan, il enlève ses chaussures, pose les pieds sur l’épaisse moquette, et  pousse le plus pitoyable des soupirs.

A peine un déplacement d’air, et Plume, leur chatte, enfin la chatte de Marcel,  vient tendrement s’échouer contre le flanc de son maître pour terminer sa sieste.  Elle aussi, possède un secret, le « code des soupirs. ».

Sur ce, les nausées de Marcel reprennent de plus belle, il court comme un dératé aux toilettes. Pas question de salir,  Annabelle n’est pas sa bonniche !

Justement sur le palier, elle tente d‘introduire sa clef dans la serrure, mais  quelque chose bloque de l’intérieur. « Tiens, la clef de Marcel ! ».  Elle toque, appelle. Elle ne va pas ameuter tout le quartier pour un homme qui a quitté son travail pour aller dormir !

Un torchon encore à la main, Marcel se dépêche d’ouvrir. Courroucée, Annabelle l’agresse « Ce n’est pas trop tôt ! Alors, on ne peut plus rentrer chez soi ? ».

 

Elle en oublie ses bonnes résolutions ! Il lui faut si peu de choses…

 

La vie a une dette envers elle, du moins elle en est convaincue. Annabelle n’oubliera jamais le jour où il s’en est fallu de peu qu’elle ne meure d’hémorragie. Elle perdit un fœtus  de 3 mois, en même temps que l’espoir d’être mère un jour.  Désirant de toute son âme un fils, et persuadée que le fœtus était du sexe masculin, elle ne s’en consola jamais.

Depuis, les sautes d’humeur, caprices et crises de nerf que Marcel supposait passagers, n’ont jamais cessé.

Normal qu’il paie une part des pots cassés, on est deux pour tout, non ?

*

Chapitre III

 

« La mort prend le pas sur la vie. Soleil es-tu là ? Dépêche-toi ! La vie nous échappe. »
Auteur inconnu

 

A bout de forces, Marcel termine dans les temps l’aménagement de cet énorme jardin, ainsi que la décoration intérieure de la villa. Du beau travail, de l’art ! Qui pourrait imaginer que l’homme qui l’a exécuté est un homme  au bout du rouleau.

Très satisfait, le propriétaire se montre généreux ce qui permettra à Marcel de barrer quelques uns des diktats du terrible tableau noir.

Dans leur chambre à coucher, étendu sur le lit,  ses douleurs ne lui laissent aucun répit et le plongent dans le pays sans foi ni loi de la souffrance.

Il aimait la vie, mais ne veut plus de cette vie là.  De n’importe quel côté qu’il se tourne, il butte contre un mur. Et le vertige le saisit, lui, le tout petit. A quoi bon tout ça !

Plume s’approche de son maître, se frotte contre lui, ses yeux s’assombrissent. Elle souffre, prend sa part, la part de l’humanité.

Il revoit les débuts idylliques  de sa rencontre avec Annabelle. C’était la plus belle de leur groupe d’amis, tous la courtisaient. Il l’avait remporté sur tous ses amoureux. Marcel était l’homme le plus heureux de la Terre.

Il n’est plus qu’un pion dans sa vie, un outil pour arriver à ses fins. Il a très bien remarqué son manège avec son frère, il n’est pas aveugle. Pauvre fille, il les lui faut tous ! Son chagrin de ne pas avoir un fils a bon dos !

 

Au début, pas plus grosse qu’un petit pois, l’idée de mettre fin à ses jours l’a métastasé comme un cancer.

On nous expulse sur cette Terre sans demander notre avis, pourquoi ne pas le donner en quittant une vie qui n’est plus que douleurs et déceptions.

Il pourrait toujours se pendre. Ce ne doit pas être sorcier de détruire une vie qui ne tient plus qu’à un fil, pardon à une corde. Et Plume ? Il est loin d’être rassuré quant aux soins que pourrait lui donner Annabelle. Il ne va quand même pas pendre la chatte aussi !

Il sort de la chambre, arpente un étroit couloir où se trouvent deux fenêtres,  examine la solidité de leur poignée. La plus fiable est celle juste en face de la porte d’entrée. Non, il ne peut pas faire ça, car quand Annabelle ouvrira la porte, elle tombera nez à nez avec un Marcel qui sera loin d’être à son avantage.

Mais il n’a pas le choix, la clenche de  l’autre fenêtre ne tiendra pas. Et puis, ne mérite-t-elle pas une petite frayeur…

Normal qu’elle paie une part des pots cassés, on est à deux pour tout, non ?

 

Marcel ne trouve pas de corde, évidemment ce n’était pas prévu. Il utilisera sa cravate. Il devra plier les genoux, puis se laisser tomber de tout son poids, car la poignée de la fenêtre est basse. Pas facile de se pendre dans un appartement sans aucune poutre.

Il étudie le terrain,  tire les rideaux de la fenêtre. Comme elles sont sinistres ces ouvertures donnant sur les cours intérieures des immeubles. Cuvettes de béton gris que le soleil n’atteint jamais et qui canalisent toute la misère cachée de ses habitants. Sur le rebord du chambranle de la vitre, un velouté vert-de-gris dénonce la présence de moisissures. Vert-de-gris, couleur de la vie de Marcel.

Immobile, il reste les yeux fixés sur ce puits de désespérance. Se battre encore et encore, souffrir encore et encore…mais  ne plus rien sentir, fermer les yeux,  ne plus les rouvrir, dormir… Tout est écrit.

Assez ergoté ! Annabelle peut rentrer d’un moment à l’autre. Et puis, on ne sait jamais,  il pourrait virer sa cuti, l’instinct de survie à la peau si dure.

Il enlève sa cravate, y fait un nœud coulant, l’accroche à la fenêtre,  y repasse la tête, la cravate cale sur son nez…il a un très beau nez ce qui ne lui aura été d’aucun secours… Dos au mur, il s’accroupit, il n’a plus qu’à se laisser aller, tout semble au point. Elle va avoir une de ses trouilles…

Inquiète, Plume surveille tous les faits et gestes de son maître. Que fait-il ? Un frisson parcourt sa fourrure soudain électrisée.

Marcel est en chaussettes, un peu ridicule,  non ? De plus, celle de droite, à l’endroit du gros orteil, dévoile une légère transparence, presque un trou. Vous imaginez  Annabelle en train de ravauder ? Les coups d’aiguilles abîmeraient son vernis à ongle…

Et s’il remettait ses chaussures ? Ce serait plus classe, c’est quand même la dernière image qu’il donnera de lui. Etonnant ce souci du détail dans un moment où plus rien ne devrait avoir d’importance.

Ankylosé par sa mauvaise position, il tente maladroitement de se rétablir, mais aidé par la laine des chaussettes, il glisse sur le parquet…

On ne saura jamais si ce n’était pas une petite répète qui a mal tourné.

Dessin fenetre oiseaux

Il est tard, Annabelle a mal au dos et se hâte de rentrer. Elle se dit qu’à cette heure-ci son mari sera à la maison et que le souper sera prêt. Il n’a pas que des mauvais côtés, le petit Marcel.

Sur le palier quelque chose bloque la porte. Décidemment !

Mais cette fois-ci, ce n’est pas la clef de Marcel, c’est son corps.

*

Chapitre IV

« Personne jamais ne peut donner l’exacte mesure de ses besoins, ni de ses conceptions, ni de ses douleurs et que la parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours quand on voudrait atteindre les étoiles. »
Gustave Flaubert

 

Le GSM d’Yvan vibre dans la poche de son veston. Il décroche et reconnaît la voix d’Annabelle. « Oh non, pas elle. Ça ne va pas recommencer ! ».  Il s’apprête à couper la communication, quand trois mots  viennent le frapper en plein cœur : « Marcel s’est pendu !».

D’abord sonné,  l’entourage de Marcel culpabilise de n’avoir pas compris que son mal-être était mortifère,  qu’il allait passer à l’acte. Que ce soit Yvan, Lucile, les amis, les copains, tous sont étonnés de n’avoir rien vu venir.

Sincèrement, sommes-nous aveugles à ce point ?

*

Annabelle ne comprend pas pourquoi la famille de Marcel lui bat froid. Que lui reproche-t-on ? On dirait que ce qui arrive est de sa faute ! C’est incroyable quand même ! Elle aussi a du chagrin !

Remise de ses émotions, elle se demande en définitive, si la mort de son pauvre mari n’est pas une bonne chose, mise à part l’enquête de police assez fouineuse qui voulait absolument retrouver une lettre d’adieu. Il paraît que les suicidés expliquent toujours leur geste.

D’abord, une lettre d’adieu pour dire quoi ? Que comme d’habitude, il n’avait pas été à la hauteur !

Et quelle façon barbare de se supprimer. Je ne vous dis pas le tableau quand elle a ouvert la porte. Pas beau à voir. Elle conservera cette vision jusqu’à la fin de ses jours. Il faut être égoïste pour ne pas avoir pensé à ça !

*

Prévoyante, Annabelle a gardé sous le coude, les propositions malhonnêtes de quelques admirateurs du salon de coiffure. Elle en a sélectionné trois en fonction de leur niveau social, le reste étant secondaire. Elle ne va pas commettre les mêmes erreurs qu’avec son premier mari.

Elle tarde à donner une réponse les laissant mijoter dans leur jus. Une veuve se doit de respecter un certain délai avant de batifoler.  La vie est belle quand même.

Présomptueuse, Annabelle a la faiblesse de  croire qu’il suffit d’un pendu pour que tout s’arrange.

 

Dimanche, elle doit rencontrer son premier admirateur. La veille, elle prépare sa tenue. Dans son dressing,  s’aligne une telle quantité de vêtements que la tête lui tourne.

Quelle aventure ! Que porter ?  Elle se revoit petite fille : « Dis maman, quelle robe dois-je mettre ?» et sa maman répondait : « La plus belle des sept ! » – et l’enfant, « Mais, maman, je n’ai pas sept robes ! «. C’est vrai qu’aujourd’hui, cela lui simplifierait la vie.

Mais le lendemain, c’est une autre histoire. Elle a très mal dormi. Un grattement de souris l’a tenue éveillée une bonne partie de la nuit. Enervée  par ce bruit, Plume a provoqué tout un remue-ménage. Cette sale bête, il fallait qu’elle en rajoute.

Autant dire que sa première entrevue galante est mal barrée. D’humeur exécrable, les yeux cernés, elle fait fuir un amoureux frustré, mais heureux d’avoir découvert à temps, la véritable nature d’Annabelle.

 

Voyons le numéro deux. Elle lui fixe rendez-vous le dimanche en huit,  ce qui lui donnera une semaine pour  récupérer son teint de pêche.

Mais la veille, même topo ! Toute la nuit des souris manifestent bruyamment  dans la plinthe contre son lit. Plume devient folle  en entendant ces grattements, ce qui oblige Annabelle à l’enfermer dans le vestiaire.

 

Elle a à peine dormi 4 heures. Ce teint gris agrémenté  de plusieurs boutons rouges ne lui sied absolument pas, elle prend 5 ans de plus. Jouer les séductrices dans ces conditions …Bref, n’étant pas en possession de tous ses moyens,  elle envoie balader son numéro deux.

 

Pour plus de sécurité, elle donne rendez-vous au numéro trois, un mois plus tard. C’est son préféré, c’est-à-dire « la meilleure situation ». Elle le  gardait pour la fin, elle lui sortira le grand jeu.

Mettant toutes les chances de son côté, Annabelle fait venir le propriétaire de l’appartement pour résoudre le problème « souris ». Mais comme par enchantement,  tout bruit a disparu.

La veille de sa troisième entrevue, elle peaufine sa tenue. Elle a intérêt à frapper vite et bien ! Son aura est en  train de pâlir au salon de coiffure. Une plus jeune qui vient d’être engagée s’en sort déjà très bien, elle a compris l’importance de la couleur du vernis à ongle…

Tout prépare Annabelle à un doux sommeil. Mais ne voilà-t-il pas que le grattement de souris réapparaît ! Elle n’en croit pas ses oreilles. Elle court après Plume pour l’enfermer dans le vestiaire, mais la chatte surexcitée s’est réfugiée sous le lit. A plat ventre, à coups de pantoufle, Annabelle essaie de l’en déloger, mais finalement y renonce,  car elle se méfie de l’animal qui n’a pas l’air commode. Il ne lui manquerait plus qu’un coup de griffe en pleine figure…

C’est alors qu’elle distingue sur le mur en face de son lit, un tableau noir sur lequel s’inscrit la sentence : «  VOUS AVEZ DROIT A UN 3EME ESSAI ! ».

La vie est un boomerang !

 

Elle n’a pas été futée. Elle aurait pu se garder deux, trois amoureux de plus. Pourquoi a-t-elle été aussi chiche ? Si on savait tout à l’avance !

Le jour fatidique la trouve le cheveu terne et le regard éteint.

Pas question de se laisser abattre. N’est-ce pas le moment de prendre le taureau par les cornes, le maquillage n’est pas là pour les cochons.

Elle accuse un retard sur son planning. A-t-elle pris trop  de temps pour son brushing ? Le temps aussi est contre elle ?

Vite une seconde couche de mascara… Dans sa hâte, elle dérape, et la petite brosse lui blesse légèrement l’œil qui irrité se met à couler…

Elle respire profondément, garde son calme, et répare les dégâts. Elle sera en retard, voilà tout. Elle se fera désirer, c’est encore mieux !

Ça y est ! Impec ! Ravie, elle tire sur sa jupe, en oubliant ses doigts  souillés de mascara…Catastrophe ! Tout le bas de sa robe est barbouillé de noir…Impossible d’en changer, cela abîmerait son brushing.

Dans l’incapacité de jouer les Messaline, elle décommande  son  « meilleur train de vie ». Elle devra fameusement réduire celui-ci, si elle veut s’en sortir…

Ah ! Quand Marcel était là… d’accord, ce n’était pas le bon, mais c’est quoi le bon ?

 

Epuisée par tout ce stress, elle se couche plus tôt que de coutume, et fataliste, n’ayant plus rien à perdre, elle s’endort, enfin presque, car un léger gratouillis…

«Arrête Marcel, je sais que c’est toi ! «.

 

Au pied du lit d’Annabelle, avec des airs de ne pas y toucher, Plume, la gardienne du temple, prend des poses de princesse…

*

 

Vivianne Casolari
Juillet 2015