« Les quatre vents de l’esprit »

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Chers Amis, 

  « LE PLUS POIGNANT DES ROMANS D’AMOUR CONTEMPORAINS » A DIT RAYMOND QUENEAU. MAIS AUSSI UNE FETE DU LANGAGE. ENTRE CES DEUX PÖLES S’INSCRIT CE LIVRE AMBIGU, NARQUOIS ET ANGOISSANT, OU, PAR LE JEU MEME DE LA PLUS INSIDIEUSE FANTAISIE, SE DECOUVRE UNE SECRETE ET DOULOUREUSE GRAVITE » »  

RAYMOND QUENEAU : ami de Boris Vian – écrivain français. (Le Havre 1903 – Paris 1976)

« BORIS VIAN EST UN CARREFOUR DE TOUTES LES FORMES CONTEMPORAINES D’EXPRESSIONS.

Le premier et longtemps le seul, il aura fondé le discours romanesque, la construction de ses récits, comme ses métaphores et ses jeux de langage, sur une culture (classique à l’origine) bouleversée, renouvelée, ranimée par le cinéma, le jazz, la bande dessinée, la science fiction; le premier, il aura su dans la littérature, nouer le faisceau de ces  genres ou modes si longtemps décriés. Il fallait que quelques esprits peu suspects d’anaphalbétisme ou d’infantilisme les élèvent à la dignité d’arts de plein exercice, et qu’une génération instruite dès l’enfance de ces langages neufs naissent à la lecture pour que BORIS VIAN soit enfin compris. «  »  

(NOEL ARNAUD – Encyclopedia Universalis).  Spécialiste de Vian.

 » On aurait tort de ne voir là qu’un simple exercice de langage, car dénoncer l’absurdité (selon une conception réaliste) du langage, le « mettre en question », c’est mettre en question le monde, ou plutôt la société qui est le monde tel que les hommes le conçoivent. En effet, ce monde et cette société s’appuyent largement sur les vertus (et les vices) du langage. Les rapports que les hommes ont établis entre eux, sont régis par  des conventions purement langagières »

 

POSTFACE DE JACQUES BENS DE L’ECUME DES JOURS.      

L’ECUME DES JOURS, écrit en 1946 est une tragédie. Voici l’histoire très succinctement.

Le début de l’histoire est féérique. Colin aime Chloé. Chick aime Alise, Nicolas aime Isis. 

Colin a pour confidente une petite souris qui danse au rythme des rayons du soleil sur les robinets.

Colin et Chloé se marient. Au sortir de la messe, Chloé se met à tousser. Et s’en est fini de leur bonheur.

Le docteur diagnostique un nénuphar dans un des poumons de Chloé et prescrit un traitement à base de fleurs. Le nénuphar jaloux des fleurs plus belles, est sensé dépérir.

Colin se ruine dans l’achat de somptueuses fleurs et est dans l’obligation de chercher du travail. Chloé est opérée. Il lui reste un poumon. Mais rapidement, la toux la gagne à nouveau. Le deuxième poumon est atteint.

Parallèlement à tous ces malheurs,  leur environnement  dépérit.

Chick aura tout sacrifié à sa passion pour les livres. Il sera passé à tabac par des « agents d’armes » car il n’a pas payé ses impôts. Alise réagira trop tard et en mourra.

Nicolas vieillit à vue  d’oeil à leur contact.

Leur superbe appartement « dépérit » aussi. Les murs rétricissent,  les verres des fenêtres se voilent, le soleil ne passe plus, les plafonds descendent vers les sols sur lesquels les tapis en laine, ou en soie se changent en vilain coton.

Colin sera détruit par le travail et le chagrin. Chloé mourra.

« Le nénuphar ne vient peut-être pas de l’extérieur, il aurait été depuis toujours dans le sein de Chloé, comme la secrète déperdition qui commence à détruire Vian. Les trois couples mis en scène sont à comprendre comme les multiples visages de l’auteur. Destruction de l’amour par lui-même, en ceci qu’il s’obstine à figer le temps, contre lequel on ne peut rien (Colin/Chloé), destruction par les livres (Chick/Alise) qui vous détournent de la vie et des autres.

« L’ECUME DES JOURS » oscille entre tendresse et cruauté comme entre les deux côtés d’une lame » »  

 

(MICHEL LE BRIS : hors-série « Les collections du Magazine Littéraire)

En plus du langage hors-normes, la musique de Duke Ellington est omniprésente. L’écrivain est habité par le jazz, qui fait partie intégrante de sa tête, de son corps, de sa  vie.

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J’ai choisi ces deux extraits : 

Colin ruiné, réuni à peine la somme pour l’ enterrement de Chloé,  ce sera un enterrement de pauvre : 

 » Les deux porteurs trouvèrent Colin qui les attendait dans l’entrée de l’appartement. Ils étaients couverts de saleté, car l’escalier se dégradait de plus en plus. Mais ils avaient leurs plus vieux habits et n’en étaient pas à une déchirure près. On voyait par les trous de leurs uniformes, les poils rouges de leurs vilaines jambes noueuses et ils saluèrent Colin en lui tapant sur le ventre, comme prévu au règlement des enterrements pauvres.

L’entrée ressemblait maintenant à un couloir de cave. Ils baissèrent la tête pour arriver à la chambre de Chloé. Ceux du cercueil étaient partis. On ne voyait plus Chloé, mais une vieille boîte noire, marquée d’un numéro d’ordre et toute bosselée. Ils la saisirent, et s’en servant comme d’un bélier, la précipitèrent par la fenêtre. On ne descendait les morts à bras qu’à partir de cinq cents doublezons (Monnaie en cours dans l’Ecume des Jours) » »

 

A l’église : …. »Colin restait debout devant l’autel. Il leva les yeux : devant lui, accroché à la paroi, il y

avait Jésus sur sa croix. Il avait l’air de s’ennuyer et Colin demanda :

– Pourquoi Chloé est morte ?

– Je n’ai aucune responsabilité là dedans, dit Jésus. Si nous parlions d’autre chose…

– Qui est- ce que cela regarde ? demanda Colin.

– Ce n’est pas nous, en tous cas, dit Jésus.

– Je vous avais invité à mon mariage, dit Colin.

– C’était réussi, dit Jesus, je me suis bien amusé ! Pourquoi n’avez-vous pas donné plus d’argent cette fois-ci ?

– Je n’en ai plus, dit Colin et puis, ce n’est plus mon mariage, cette fois-ci.

– Oui, dit Jésus.

Il paraîssait gêné.

– C’est très différent, dit
Colin. Cette fois, Chloé est morte… Je n’aime pas l’idée de cette boîte noire.

– Mmmmmm, dit Jésus.

Il regardait ailleurs et semblait s’ennuyer. Le Religieux tournait une crécelle en hurlant des vers latins.

– Pourquoi l’avez-vous fait mourir ? demanda Colin.

– Oh …dit Jésus. N’insistez pas.

Il  chercha une position plus commode sur ses clous.

– Elle était si douce, dit Colin. Jamais elle n’a fait le mal, ni en pensée, ni en action.

– ça n’a aucun rapport avec la religion, marmonna Jésus en bâillant.

Il secoua un peu la tête pour changer l’inclinaison de sa couronne d’épines.

– Je ne vois pas ce que nous avons fait, dit Colin. Nous ne méritions pas cela.

Il baissa les yeux. Jésus ne répondit pas. Colin releva la tête. La poitrine de Jésus se soulevait doucement et régulièrement. Ses yeux s’étaient fermés et Colin entendit sortir de ses narines un léger ronronnement de satisfaction, comme un chat repus. » » » »    

  

 

Le cimetière est situé sur une île qui prend l’eau. On accède au cimetière en marchant sur des planches. Après l’enterrement de Chloé, Colin reste sur cette île et attend que le nénuphar fasse surface pour le tuer. Il y laissera la vie.

Bien que tant de choses restent à dire de BORIS VIAN, je crois que vous en connaissez suffisamment pour avoir toute l’envie de vous procurer ce livre et de le lire.  Du moins, je l’espère. 

LE 23 JUIN, IL MEURT A 39 ANS EN VISIONNANT LE FILM « J’IRAI CRACHER SUR VOS TOMBES », DES SUITES DE SON RHUMATISME CARDIAQUE CONTRACTE EN 1932.

 (« J’IRAI CRACHE SUR VOS TOMBES » roman de VIAN écrit en 1946, sous le nom de Vernon Sullivan, livre jugé scandaleux qui sera interdit. Il mourra à la projection de ce  film qu’il désapprouvait.)

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Sort ou est sortit le film de  Michel Gondry   » L’ECUME DES JOURS. »

La critique de Jean-François Pluijgers dans FOCUS (LE VIF), nous dit  :  « Le roman de Boris Vian est une fête du langage, le film de Michel Gondry est un festin pour les yeux. »

LISEZ D’ABORD LE LIVRE !!!!!!!! AVANT QUE D’ALLER VOIR LE FILM. NE GACHEZ RIEN !!!!!

CROYEZ-MOI, OU NE ME LISEZ PAS !  

ARTICLE PRECEDENT :   POEME « JE VOUDRAIS PAS CREVER »  DE BORIS VIAN.

ET RAPPELEZ-VOUS : VIVEZ LE TEMPS, NE LE TUEZ PAS !   PORTEZ-VOUS BIEN !   

Par Vivianne pour Foruforever – La mort fait partie de la vie.

 Polaroid-Vivianne-copie-1 Née le 18 janvier d’une maman belge et d’un papa d’origine toscane, je suis passionnée de littérature, de musique, de danse et de voyages. Aînée de 5 filles et  d’un garçon, j’ai eu le sens des responsabilités très jeune. Je n’ai jamais été une enfant. Cela ne m’a jamais manqué.

Responsable de la filiale belge d’un grand fabricant  de plantes français, actuellement je possède une petite société de consultance.

La littérature est devenue ma religion. Elle m’a permis de me rendre compte de l’énorme richesse de l’humanité, que chaque livre renferme l’âme de celui qui l’a écrit et que chaque âme est  différente.

 

 

« Ceci n’est pas un livre. Celui qui le touche, touche un homme ». (Walt Whitman

Le but de nos acquits, n’est-il pas le partage ? 

  

Prochain article :  exceptionnellement la semaine prochaine le 12 mai – SPECIAL FETE DES MERES.

 

AVERTISSEMENT : le présent article est écrit dans un style très court et condensé, correspondant aux habitudes du public surfant sur Internet. Ce format d’écriture ne permet pas de fonder les concepts qui y sont esquissés, ni de les détailler ou de les préciser.  Les lecteurs qui souhaitent un approfondissement sont invités à prendre connaissance d’ouvrages de base, dont c’est le but.