Lettre à Maman.

De l’eau a coulé sous les ponts, depuis le 20 janvier 2011, où vers 20h00, le temps d’un soupir, ta vie s’est envolée.

Il est des manques dont personne ne se remet. Le plus dur, c’est pour papa. Nous, tes enfants, continuons notre vie, lui, la termine. Il s’occupe, essaie de combler un vide, qui ne se comble pas. Il joue son rôle, celui du patriarche, debout, envers et contre tout. Peu de choses transpirent de son état d’âme. Dans les moments trop difficiles, il laisse entrevoir, un bref instant, la profondeur de son chagrin à vivre sans toi. Il a maintenant 91 ans.

J’ai appris bien tard à dire « je t’aime ». Toi-même, qui m’a inculqué tant de choses, ne m’avait pas montré cet exemple. Cela ne se faisait pas.

J’ai rapidement compris que ton amour se trouvait dans ta rigueur. Parfois, j’ai même cru à de la dureté à mon égard. C’est difficile d’être sévère quand on aime. D’ailleurs, moi-même, dans ma volonté de voler de mes propres ailes, je n’ai pas toujours été tendre avec toi. Bien des fois, j’ai blessé ton cœur de mère.
Tu as fini par m’appeler « ma chérie ». Nous nous sommes dit « je t’aime».

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A chaque départ, nous éprouvons le besoin de régler nos comptes. « Ai-je fait tout ce qu’il fallait ? Tout ce que j’ai pu ? » Ces doutes, qui nous poursuivent, sont inscrits en nous, on n’y peut rien.
Pour tout te dire, ce fond de culpabilité, de mécontentement de soi, que nous conservons par devers nous, tu les as balayés, effacés.

Ton remède, était un remède de poids !  Tu as choisi de mourir dans MES bras.

Comment traduire l’infinie souffrance, d’assister à ton dernier soupir, de voir tes yeux magnifiques, se changer en billes de verre. Comment traduire l’insigne honneur, de t’accompagner un bout de chemin, dans l’au-delà.
Tout s’est éclairci. Je me suis sentie libérée, de toutes les ombres qui avaient pu persister entre nous. La paix est entrée en moi.

Ta place est toujours là, bien nette, auprès de nous, entre nous. Rien ne pourra t’en déloger, c’est une concession à perpétuité.

Je ne parle pas d’une vue de l’esprit, moi, je crois plutôt aux forces de l’esprit.
Une nuit de gros soucis, je ne trouvais pas le sommeil. J’ai posé ma tête au creux de ton épaule. Au lieu de faire des cauchemars, j’ai senti la chaleur de ton amour. Je me suis réveillée en riant.

Bonne fête Maman.

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