La nouvelle génération étend son deuil et sa tristesse à tous au delà de sa sphère privée … Certains trouvent cela choquant et obscène … et d’autres approuvent ces preuves d’humanité et solidarité affichées, découvrons les nouvelles façons de dire « au revoir » et de vivre la mort et le deuil pour les ados. 

 

Comment les ados affrontent-ils la mort et le deuil ? Quelles sont les nouveaux rituels funéraires des ados en 2011 ? 

 

L’adolescent confronté à la mort

 

À l’adolescence, le jeune se sent invulnérable, rien ne peut le toucher. Il comprend que la mort est la ?n de la vie, mais ça n’arrive qu’aux autres, pas à lui. La mort d’un proche vient bousculer ses pensées et lui fait prendre conscience de sa propre mort.

 

La mort se pose parfois comme une aberration pour l’adolescent qui tente, avec toute la violence qui le caractérise de combattre cette absurdité. Tout ce qu’il avait progressivement essayé de mettre en place, en dépit de tous ses doutes et de ses interrogations, se trouve soudain remis en question. Le deuil lui usurpe ainsi la possibilité de contrôler son environnement qu’il commençait à peine à savoir manier.

 

De plus, face à son travail de deuil, l’adolescent va, tout comme l’adulte, tenter d’utiliser tous les moyens dont il dispose pour y faire face de la façon la plus adaptée possible. Cependant, celui-ci ne dispose pas de la même capacité à moduler ses émotions que l’adulte ; en effet, l’adolescent se trouve souvent dans les émotions extrêmes, pouvant à la fois s’enfermer dans son silence ou exploser émotionnellement.

Fotolia

Bien des gens pensent que les adolescents ont des parents et des amis qui les soutiennent et qui seront toujours à leur disposition. En réalité, ce n’est peut-être pas du tout le cas. Le manque de soutien vient souvent des attentes de la société à l’endroit des adolescents. 

 

On s’attend normalement à ce qu’ils soient « adultes » et soutiennent les autres membres de la famille, surtout le parent survivant, les frères et soeurs plus jeunes. 

Plusieurs adolescents se sont fait dire « maintenant, tu devras prendre soin de ta famille ». Face à la responsabilité de « prendre soin de sa famille », l’adolescent n’a pas le temps ou la permission de vivre son deuil. 

Parfois, nous présumons que les adolescents trouveront le réconfort chez leurs pairs. Mais lorsqu’il s’agit de la mort, ce n’est peut-être pas le cas. Il semble qu’à moins d’avoir vécu cette expérience eux-mêmes, les amis manifestent leur impuissance en ignorant le sujet complètement. Si un parent meurt alors que l’adolescent est en train de s’éloigner émotionnellement et physiquement de ses parents, l’adolescent éprouve alors un sentiment de culpabilité et de « tâche non terminée ». Bien que le besoin de s’éloigner soit normal, on constate facilement que ce processus rend l’expérience du deuil plus compliquée. 

 

L’attitude des adultes, lorsqu’un être cher meurt, influence grandement la réaction des adolescents face à la mort. Parfois, les adultes ne veulent pas parler de la mort, pensant qu’ainsi les adolescents auront moins de peine et seront moins tristes. Cependant, la réalité est toute simple – les adolescents ont de la peine quand même. 

Les adolescents ont souvent besoin que des adultes intéressés viennent leur confirmer qu’il est normal d’être triste et de passer par une foule d’émotions lorsqu’un être aimé meurt. D’habitude, ils ont également besoin de comprendre que la douleur qu’ils ressentent maintenant ne durera pas toujours. Lorsqu’on les ignore, les adolescents peuvent souffrir plus du fait qu’ils se sentent isolés que de la mort elle-même. Pire encore, ils se sentent seuls dans leur deuil. 

 

Le rituel des funérailles

 

Le seul rituel des funérailles ne suffit pas pour inscrire le défunt dans sa position de mort et pour intégrer la réalité de la perte. Définitivement hors de la vie, le défunt demeure pourtant dans la vie du vivant. Et, ce que les gens « font » aujourd’hui autour de leurs défunts se dit peu. Est-ce pour autant que rien n’est fait ? Il semble que non, puisqu’on assiste depuis une vingtaine d’années à un mouvement de réactivation des rituels, sous des formes nouvelles, réinventées, où il est possible à tout un chacun d’imaginer et d’oser créer en référence à son système de valeurs et de croyances bien souvent hors du champ du religieux. Ainsi des pratiques symboliques apparaissent qui ne sont pas sans lien avec les règles et les codes, mais qui savent aussi s’en émanciper.

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Une autre vision…

D’après David Le Breton, sociologue de l’université Marc-Bloch de Strasbourg, les jeunes ne possèdent pas de la mort une vision fatale et irréversible comme leurs aînés. La mort n’est pas perçue comme une destr
uction de soi et n’a pas le sens de la finitude de l’existence. Selon les propos recueillis chez les adolescents, elle est à l’image du sommeil dont on s’éveille un jour, un temps de suspension ou de purification, qui permet de se dépouiller des scories qui infectent l’existence. Objet de dénégation dans nos sociétés, la mort devient pour les jeunes une réserve de puissance.

On joue sa vie pour lui inventer un sens avec tout le risque de la mort que ce jeu comporte. Xavier Pommereau, psychiatre du centre Abadie de Bordeaux, abonde dans le même sens. Loin d’avoir pour objectif la «néantisation de soi», les conduites suicidaires à l’adolescence constituent à la fois une tentative d’échapper à une souffrance identitaire intolérable et une tragique revendication existentielle qui paradoxalement vise à mourir pour vivre autrement.

 

Se rassembler et partager ses souvenirs sur internet 

 

Récemment en France, des faits divers terribles ont choqué la population… les meurtres d’Agnès, Océane, et Laëtitia n’ont laissé personne indifférent… Suite à ces évènements, et spontanément, des pages Facebook ont été créees et ont rassemblées des milliers de « fans » en quelques heures, des messages de condoléances sur Twitter, des appels à des marches blanches lancés sur la toile…

Face à la mort d’un ami, d’une connaissance ou d’un inconnu dont le destin tragique les touche, les adolescents ont inventé de nouveaux rites. Ils partagent leur émotion sur les réseaux sociaux et ils affrontent l’impossible pour eux : la vie qui s’arrête alors qu’elle ne fait que commencer…

 

« Je ne la connaissais pas mais je c’est comme c’est dur de perdre un être cher mes condoléencesa la famille et REPOSE EN PAIX AGNES !!!« 

« Toutes mes condoléances à la famille et particulièrement au Papa et la Maman d’Agnès.  Repose en paix jolie jeune fille« 

 

Des messages et des fleurs ont été déposé, ce lundi 21 novembre 2011, devant le domicile familial à Paris d'Agnès Marin.

 

Plus d’un milliers de commentaires ont été posté sur plusieurs pages Facebook dédiées à Agnès. Un site internet a été crée pour lui rendre hommage http://www.agnesmarin.com et le livre d’or ne désemplit pas … Tous ces lieux virtuels rassemblent les internautes et exprime les émotions bien réelles de la foule des anonymes et des proches.

 

 

Créer de la musique, des films, des cartes virtuelles, des blogs pour les disparus

 

Des cartes, des messages et même des vidéos ont été crées sur youtube pour rendre hommage à Agnès. Il en est de même désormais pour quasiment tous les ados décédés.

 

Certains vont même plus loin en créant des documentaires plus aboutis sur la perte d’un proche, voici un bel exemple : http://www.ikweb.tv/max-power/
Trois ans après le suicide de Maxime, ses proches se réunissent à l’écran pour un tout dernier film. Max Power est un court-métrage bouleversant et honnête sur la réalité de ceux qui ont perdu un proche par suicide. (Le réalisateur David Paradis vous offre maintenant la possibilité de visionner Max Power gratuitement sur le web pour une durée limitée.)
Affiche de Max Power
Et puis on n’hésite plus à créer des blogs dédiés à ses proches partis trop tôt. Dès les années 2000, avant Facebook, Skyblog en hébergeait aussi énormément http://deux-ange-dans-le-ciel.skyrock.com/
Au delà du virtuel … Les marches blanches
 
Le 20 octobre 1996 eut lieu à Bruxelles un rassemblement citoyen qui prit le nom de Marche Blanche. Cette Marche Blanche, mise sur pied en deux semaines par des parents d’enfants disparus, vit défiler entre les deux principales gares de Bruxelles environ 350 000 Belges venant des trois régions du pays. La couleur blanche et le silence (pas de slogans), seules consignes données par les organisateurs, avaient été choisis comme symbole de neutralité, de dignité, d’espoir et d’innocence. La Marche Blanche faisait suite à des évènements dramatiques qui depuis plus d’un an secouaient la Belgique ; l’enlèvement, le viol et l’assassinat de jeunes enfants.

 

Depuis l’affaire Dutroux, l’expression « marche blanche » a été reprise à tout propos par les journalistes, et à leur suite par certaines associations ou par la population locale, dès qu’il s’agit de désigner simplement une marche silencieuse (terme approprié) de soutien ou de protestation, organisée autour de la mort d’une victime de fait divers ; et principalement quand la victime est un enfant ou un adolescent, quand elle a succombé à une action des forces de l’ordre, ou quand les circonstances de sa dis
parition ne sont pas élucidées.

 

Pour reprendre l’exemple d’Agnès, sa famille a aussi organisée une marche blanche dimanche dernier. Des milliers de personnes ont défilé en mémoire de la jeune fille tuée.

http://www.agnesmarin.com/#!photos/vstc3=marche-blanche

 

Après la mort tragique et forcément injuste d’enfants, d’adolescents, de jeunes gens, d’adultes, des disparitions médiatisées ou non, des « marches blanches » ont été organisées un peu partout en France, et en Europe.

Des foules de proches et anonymes se sont ainsi retrouvées après des appels relayés par les réseaux sociaux, pour Laëtitia, pour l’enseignante qui s’est immolée par le feu à Béziers, pour les membres de la famille Dupont de Ligonnès à Nantes, pour Alexandre à Pau et plus récemment pour la petite Océane à Bellegarde, pour Anne à Muzillac ou pour Baptiste et Thibault, morts dans un dramatique accident de la route à Plouvien.

 

 

Ces rassemblements virtuelles ou réelles permettent à tous de se retrouver pour partager un moment d’hommage et de recueillement. Les gens affectés se retrouvent unis dans la rue ou sur la toile, hors des lieux classiques réservés au deuil ou à la prière.

 

Est ce que l’important ce n’est pas celà ? Sortir de la solitude, et s’entourer de personnes partageant sa peine, échanger ses souvenirs, que cela soit sur la toile ou en marchant dans la rue ? … 

 

Sandrine 

Pour aller plus loin … Sources :

 

Un film qui parle de deux ados et de la mort « Restless » de Gus Van Sant

Comme souvent, chez ce réalisateur américain, l’adolescence est au c?ur de « Restless » : Annabel est atteinte d’un cancer et vit ses derniers jours. Enoch, lui, ne se remet pas de la perte de ses parents dans un accident de voiture.

Comment se débrouiller face à cette omniprésence de la mort ? Annabel choisit la joie. La bouille toujours radieuse, elle s’enthousiasme pour la vie de Charles Darwin, dessine tous les animaux qu’elle croise sur son passage. Enoch préfère se retirer du monde. Mutique, il assiste à des enterrements d’inconnus. Pendant leur romance, Annabel va apprendre à Enoch qu’on peut narguer la mort en jouissant de la vie.Ce n’est pas la première fois que Gus Van Sant interroge le rapport des adolescents à la mort.

Dans « Last Days », il racontait les derniers jours d’une rock Star.
Avec « Gerry », il filmait la randonnée mortelle de deux amis.
« Elephant » montrait une tuerie dans un lycée américain.

 

http://www.deuil-jeunesse.com/

http://anciensenfantsmaltraitesoubattus.hautetfort.com/archive/2011/10/13/les-jeunes-et-la-mort.html

http://www.traverserledeuil.com/comprendre-le-processus-de-deuil/dossiers/les-dossiers-du-mois-archives/62-les-rituels-contemporains-du-deuil

http://www.letelegramme.com/ig/generales/france-monde/france/reseaux-sociaux-les-ados-inventent-de-nouveaux-rites-face-a-la-mort-23-11-2011-1509443.php

http://fr.wikipedia.org/wiki/Marche_Blanche

http://www.foret.be/deuil/texte_ado.htm

http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2009/09-235-12F_08.pdf

http://www.systemique.be/spip/article.php3?id_article=74

http://www.ouest-france.fr/actu/parents_enfants_detail_-L-adolescent-face-a-la-mort-d-un-ami-_9432-1571302_actu.Htm