Le tour du monde de la Mort ! 10e étape: le Congo
Partons à la découverte de la mort dans le monde ! Rites, croyances, culture, traditions, … c’est comment la mort ailleurs ?
Dixième étape du tour du monde de la mort : le CONGO
Rites funéraires au Congo
Le deuil
Au Congo, les rites funéraires, dépendent de l’ethnie dont le défunt est issu. En effet, à chaque ethnie sa culture, à chaque ethnie ses règles. Nous nous concentrerons donc sur les coûtumes des Bateke (situés majoritairement à Kinshasa) et les coûtumes des Lundas (situés majoritairement au Katanga). Notons que les rites traditionnels sont encore fort respectés, nombre de Congolais attachent, en effet, une grande importance à la tradition.
Cependant, nous pouvons dégager une généralité à toutes les Ethnies du Congo; après la mort du défunt, une annonce publique est faite. Les proches diffusent la nouvelle dans toute la communauté (amis, famille, proches).
A ce moment là, la famille et les amis du disparu sont invités au domicile de celui-ci. La famille proche accueille les invités, ils sont logés et nourris aux frais d’une cotisation, chacun donne ce qu’il veut.
Avant, dans les coûtumes Lunda et Bateke les proches venaient avec des plâts et des offrandes, la cotisation se faisait plutôt en nature. L’idée était d’offrir à la famille du défunt les moyens d’accueillir tout le monde. Maintenant, l’argent a pris une place très importante: les concessions dans les cimetières sont devenues payantes, on peut louer un corbillard, il y a des frais d’entretien du corps, les prix grimpent! Pour ces raisons, la cotisation classique se fait sous la forme d’un don d’argent.
Lors du deuil, une pièce est réservée à la matriarche (la femme ou la mère du défunt) et ses mères pleureuses (amies et famille de la matriarche qui viennent pleurer avec celle-ci), elles y expriment leur tristesse en criant, en chantant et en pleurant.
Les invités, eux sont réunis dans la cour de la maison, l’ambiance y est généralement moins lourde. On peut y voir de nombreux sourires et, parfois, des conversations enjouées. Dans le deuil Africain, les proches font front ensemble, la présence de la communauté réconforte les plus touchés, des sourires se dessinent progressivement sur les visages. Chez les Lundas, certaines mères viennent pour houspiller la matriarche, elles la charient et se moquent d’elle. Le but n’est pas de blesser, mais de provoquer une réaction d’orgueil, le message derrière ce jeu est: « il/elle est parti, certes, mais la vie continue. Remets-toi en selle, nous sommes là pour te soutenir, nous te harcèlerons jusqu’à ce que tu te décides à aller mieux. ». C’est une forme de soutien par l’humour.
Chez les Bateke, les Lundas et la plupart des autres ethnies, ce rituel dure 40 jours.
Documentaire sur un deuil et un enterrement complet (Quand vient le deuil ) en Belgique!
La cérémonie funéraire
Cimetière Tabacongo – Lubumbashi
Durant le deuil, le corps est déposé dans une morgue où il sera entretenu en attendant que la famille réunisse les fonds nécessaires à la cérémonie funéraire. C’est aussi à cet endroit là que le corps sera lavé et habillé par ses proches. A Lubumbashi, au Katanga, seuls les aînés ou ceux de l’âge du défunt peuvent s’en occuper, en effet, ses cadets ne peuvent pas le voir nu (par Joël Noret et Pierre Petit).
Le jour de l’enterrement, toute la maison endeuillie se déplace vers la morgue pour pleurer le défunt avant son enterrement. Le cerceuil est exposé ouvert (si le corps est présentable), chaque membre de la communauté peut alors dire un dernier mot au disparu. Des hommages publics sont faits au devant de tous. Selon l’importance sociale de la famille, la cérémonie sera majestueuse, ou non.
J’ai pu assister, lors de mon voyage à Kinshasa, à une cérémonie Bateke dont le défunt était un homme important. Nous avons eu droit à une sonorisation impressionnante (micros et baffles surpuissants), une distribution de nourriture et de boissons, des hommages des proches et amis, des chants et une messe lors de laquelle le pasteur honorait la mémoire du défunt. Précisons que cette cérémonie a pris place dans la maison du défunt, ça reste une exception. Celle-ci se passe en principe au lieu de culte choisi par la famille.
En fin de cérémonie, le cortège (venu du lieu de culte) se dirige vers le cimetière. Il est précédé par le corbillard. Dans les coûtumes Lunda et Bateke, le corbillard est accompagné de 8 jeunes, garçons et filles, (appelés les Zangazanga au Katanga) jusqu’à l’emplacement de sa dernière demeure.
Enfin, le cerceuil est enterré. La mise en terre est éventuellement accompagnée de chants.
Une fois le corps déposé dans sa dernière demeure, le pasteur fait une éloge à la mémoire du défunt. La famille du défunt dit, si elle le souhaite, un petit mot. Le cerceuil est recouvert à la fin du processus et selon la classe sociale de la famille, des fleurs ou des outils sont déposés dessus.
A ce stade-ci les 40 jours ne sont pas encore écoulés.
Enterrement de Rémy Munsense, Père Prieur du Monastère de la Kiswishi (Monastère des 7 Sources) à Lubumbashi, Katanga, RDC
Le retour à la maison
Après l’enterrement, le cortège se dirige vers la maison du défunt, un repas y est organisé. Il s’agit ici de remercier la communauté d’avoir apporté son soutien à la famille. L’ambiance y est beaucoup plus légère, presque festive.
La maison reste ouverte jusqu’à l’écoulement total des quarante jours, les membres de la communauté sont libres de venir et de rester dormir. La matriarche reste entourée des femmes qui souhaitent être présentes dans une salle séparée.
A la rupture de deuil, au bout des quarantes jours, une fête est organisée, un repas y est distribué. On danse, on boit, on chante pour fêter la sortie du deuil. C’est également lors de la veillée que les discussions sur l’héritage prennent place
Les expatriés
En Europe, la tradition est totalement respectée (cf. le reportage en haut d’article). Le deuil se fait à domicile, le corps est déposé au mortuarium où il recevra une visite de la communauté (il sera pris en charge par les membres du mortuarium en présence de la matriarche), le corbillard devance un cortège (de voitures cette fois-ci) jusqu’au cimetière. La mise en terre dépend, cependant, du règlement du cimetière. En effet, certains refusent une présence autre que celle des ouvriers du cimetière pendant que le cerceuil est recouvert pour des raisons de sécurité. Nous devons noter une différence importante: les maisons et cours sont en général plus petites! Dans ces cas là, les familles louent des salles pour organiser les fêtes et les veillées.
Le rapatriement se fait selon les dernières volontés du défunt. Il y a maintenant de moins en moins de corps qui rentrent au Congo. Cela s’explique par la mauvaise qualité des cimetières locaux et la présence de pilleurs. Les plus anciens préfèrent alors rester en Europe, là où ils sont assurés de l’entretien de leur pierre tombale. Après de nombreuses conversations, je constate que les plus jeunes sont, de manière générale plus attachés à leur pays d’acceuil (ils y ont vécu plus longtemps). Leur pays d’origine ne leur est pas assez connu que pour y être enterré. De plus, ils ont des amis, des parents et des proches déjà enterré en Europe, il leur est plus simple de suivre les habitudes dont ils ont été témoins.
A bientôt !
Nelson pour la mort fait partie de la vie
Sources :
http://www.mon-poeme.fr/proverbes-congolais/
Interview: Nelson Mushidy et Cécile Erumba le 30/10/2010
Livre: Mort et dynamiques sociales au Katanga, Joël Noret et Pierre Petit, L’Harmattan
http://evecheinongo.blogspot.be/2010_06_01_archive.html
http://savoir.fr/les-rites-funeraires
http://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9k%C3%A9s
http://www.marandy.be/spip.php?page=article&id_article=147&recherche=deuil&lang=fr&id_rubrique=15