Le tour du monde de la Mort ! 3ème étape : l’ Inde.
Cet été partons à la découverte de la mort dans le monde !
Rites, croyances, culture, traditions, … c’est comment la mort ailleurs ?
Toisième étape du tour du monde de la mort :
L’Inde
« Vis comme si tu devais mourir demain.
Apprends comme si tu devais vivre toujours. »
Gandhi
La vision de la mort en Inde est très éloignée de notre appréhension européenne… si je devais simplifier :
En Europe, la mort est perçue plus comme la fin de la vie, alors qu’en Inde elle est perçue comme la continuité de la vie. En Europe, la mort est plus facilement assimilée à des sentiments négatifs, alors qu’en Inde elle est plus assimilée à des sentiments positifs.
Un peu d’histoire …
Littérature védique
Selon la tradition, le grand sage Vyasa compila les Vedas il y a 5,000 ans.
Ils furent divisés et classés en Samhitas (Rig Veda, Sama Veda, Yajur Veda, et Atharva Veda), en Brahmanas, en Aranyakas, en Sutras, en Puranas et en Upanishads.
Les textes védiques renferment des informations sur des sujets très variés, entre autres sur le développement spirituel, la médecine, l’agriculture, l’astrologie et l’organisation gouvernementale.
Récitée par Krishna il y a 5000 ans, la Bhagavad-gita est à la source même de la philosophie vaishnava et contient l’essence de la sagesse védique de l’Inde.
La Bhagavad-gita évoque un dialogue entre Krishna et Arjuna, quelques instants avant le début des hostilités d’une guerre dévastatrice. Arjuna renonce à son devoir de guerrier, décide de ne pas combattre, et pose à Krishna des questions sur le sens de la vie et de la mort.
La Bhagavad-gita représente l’essence de la sagesse spirituelle indienne, traitant des questions fondamentales sur lesquelles se penchent les philosophes depuis toujours.
Le rituel funéraire hindou
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Dans la religion hindoue, mourir c’est se libérer de l’état où nous sommes actuellement pour passer à un état meilleur. Pour cette raison, le sens de la mort est si peu dramatique pour les Hindous, qu’ils souhaitent finir leurs jours au bord du Gange, et veulent après être incinérés, que leurs cendres se mêlent à l’eau du fleuve sacré.
Loin de constituer un tabou, la vie et la mort s’entremêlent étroitement tout au long de l’existence.
Sans destruction, il ne saurait y avoir de création.
La mort est donc omniprésente dans le quotidien de tous les Hindous.
La crémation, selon les Hindous, permet de libérer l’âme des morts.
Le lieux de crémation sont innombrables. On en trouve sur les rives de toutes les rivières sacrées de l’Inde. Et comme toutes les rivières sont sacrées… Mais certains lieux ont une importance particulière…
Le Mani Karnika ghat à Varanasi est le site le plus sacré de tout le sous-continent. Y être incinéré signifie pour le défunt la fin du cycle des réincarnations. L’accession directe au Nirvana. Nuits et jours les cadavres ne cessent de s’y consumer sur des dizaines de bûchers.
L’arrivée du mort
En bus, accompagnés de toute leurs familles, ou bien en rickshaw, accompagnés de leurs plus proche parent, les morts arrivent en permanence sur les lieux sacrés où se déroulent les crémations.
Le cadavre est traditionnellement attaché sur un brancard en bambou et transporté par quatre personnes.
« Ram nam satia eh »
Tous ceux qui portent et accompagnent le défunt scandent sans cesse ces paroles sacrées. L’arrivée sur les ghats peut être très discrète… Parfois, le défilé qui accompagne le défunt est important et c’est l’occasion de chant, de musique et de danse.
Les femmes n’assistent pas à la crémation. Il est dit que les larmes des femmes seraient un obstacle à la Libération…
Le plus proche parent du défunt (le fils aîné, le frère, le mari…) commence par se faire raser la tête. Il ne garde de sa chevelure qu’une petite touffe à l’arrière du crâne. La touffe doit passer au travers d’un anneau.
La préparation du bûcher
Le bois est devenu une denrée rare et chère… que l’on fait venir par bateaux de l’amont du fleuve.
De la découpe à la vente du bois en passant par la pesée, le bûcher funéraire nécessite une attention toute particuliè
re.
200 kilos de bois minimum sont nécessaires pour assurer la combustion complète d’un corps. Sachant que le kilo de bois se négocie aux environs de 60 roupies le kilo… Le prix d’une incinération n’est pas à la portée de tout le monde…
… On raconte que les plus grosses fortunes de Varanasi sont les marchands de bois…
La crémation
Tous les Indiens n’ont pas droit au bûcher…
Seuls ceux qui sont décédés d’une mort naturelle « normale » peuvent prétendre à l’incinération. Les enfants de moins de 10 ans, les défunts victimes de la variole ou de la lèpre, ainsi que les saddhus et les femmes enceintes ne peuvent pas atteindre à la Libération par le biais de l’incinération.
Ceux qui sont morts suite à un accident, une maladie, un meurtre n’ont également pas le droit de brûler le long du fleuve… leurs cadavres ira directement rejoindre les eaux sacrés. Leur mort brutale ne peut être que le fruit d’un mauvais karma… Aussi le salut par la crémation leur est-il refusé.
Les saddhus, déjà assurés d’atteindre à la Libération, n’ont donc pas besoin du feu purificateur et salvateur. Une fois lestés, ils sont immergés, assis dans la position du lotus, directement dans les eaux sacrées du gange.
Parfois, c’est un cadavre décapité qui descend le fleuve…
Le défunt est généralement enveloppé dans un linceul de couleur. Rouge s’il s’agit d’une jeune femme, orange s’il s’agit d’une personne âgée et blanc s’il s’agit d’un jeune homme.
La cérémonie en elle-même se déroule selon un rituel sacré.
Le cadavre est transporté jusqu’aux abords du fleuve sur le brancard en bambou. On immerge le corps à plusieurs reprises. On le dépose ensuite sur la berge où on lui versera de l’eau du Gange dans la bouche.
Puis on dresse le bûcher funéraire, sur lequel viendra reposer le défunt. Le fils aîné (à défaut le plus proche parent), préalablement rasé et vêtu d’un simple dothi blanc, ira cherché le feu sacré. Il tournera ensuite autour du bûcher un nombre variable de fois avant d’y mettre le feu.
Pendant la crémation, les « doms » affectés au bûcher veillent à entretenir le feu et rassemblent les morceaux au centre du foyer. Ils manient pour cela les grandes perches en bambou qui servaient de brancard au défunt. C’est également avec ces perches qu’il brise le crâne du mort afin de faciliter l’élévation de l’esprit…
A la fin de la crémation, la plupart des restes sont jetés dans le Fleuve. La place est sommairement nettoyée.
Le fils aîné remplit alors une vasque en terre cuite d’eau du Gange. Il est le dernier. Tous les autres sont déjà partis.
Il tourne le dos au lieu de la crémation et balance le pot par dessus son épaule. C’est l’ultime geste d’adieu.
Le fils, sans se retourner, peut maintenant s’éloigner. Il a effectué son devoir.
Il reste également la possibilité de passer par l’incinérateur électrique… C’est beaucoup moins cher… Mais beaucoup en ignore même jusqu’à l’existence et puis… cela ne va pas avec la tradition…
L’incinérateur électrique, Harischandra Ghat, Varanasi (Uttar Pradesh)
Les membres de la famille du défunt effectueront des pratiques de purification pendant quelque temps après la crémation. Des cérémonies spéciales se tiendront après les 4es, 10e et 14e jour du décès. La période de deuil se termine par le shubasvikaram, qui signifie la complète acceptation de la mort du défunt et le retour à la vie normale.
Quand la Mort et l’Inde inspire les écrivains …
« … Autour des bûchers, nous voyons beaucoup d’Indiens, recroquevillés, avec leurs inévitables guenilles. Aucun ne pleure, aucun n’est triste, aucun ne se préoccupe d’attiser le feu : tout le monde semble simplement attendre que le bûcher s’éteigne, sans impatience, sans le moindre sentiment de douleur, ou de peine, ou de curiosité… » « L’odeur de l’Inde », Pier Paolo Pasolini
« … Lorsque soudain, au détour d’une rue, un lépreux nous touche de ses moignons gazés, ou que, sur le trottoir, un vieillard agonise dans l’indifférence générale, nous nous trouvons brutalement confrontés à l’innimmable : la mort, cette mort à laquelle nous sommes, nous autres Occidentaux, si mal préparé… » « Fous de l’Inde », Régis Airault
Et maintenant ?
L’extinction des vautours bouscule les rites funéraires parsis.
Les Parsis sont environ 82 000 et la plupart vivent à Bombay. Avec en moyenne 300 naissances et 900 à 1 000 décès par an dans cette ville, l’avenir de cette communauté s’annonce plutôt mal. Et elle se déchire même dans la mort.
Le vautour est un animal sacré pour les hindous. La légende veut que cette créature ait donné sa vie pour essayer de sauver Sita, l’épouse de Rama, le dieu le plus vénéré du pays. Le vautour est également précieux pour les Parsis parce qu’il participe involontairement à la libération de l’esprit de leurs défunts depuis des siècles.
La mort est pour eux le triomphe temporaire du mal sur le corps humain. Le feu est sacré, car il donne la lumière et la vie, et lui confier les morts est un péché mortel.
« Notre religion n’autorise pas l’inhumation, la crémation et l’immersion car ce serait contaminer la terre, le feu et l’eau », explique Khojeste P. Mistree, de Bombay, qui a étudié le zoroastrisme à Oxford. De plus, la décomposition est écologique, contrairement à la crémation, qui contribue à la production des gaz à effet de serre.
Les Parsis placent leurs morts dans des dakhma, des tours du silence consacrées, où ils attendent les vautours. Il y en a cinq à Bombay – des amphithéâtres de béton de 30 mètres de diamètre placés sur des piliers éparpillés au milieu des 22 hectares du doongerwadi, le luxuriant cimetière parsi qui se trouve depuis 1673 au sommet de Malabar Hill, le quartier le plus riche de la ville.
Mais il ne reste même pas une dizaine de vautours sur les lieux.
Tower of Silence (also Dakhma or Dokhma or Doongerwadi), Mumbai
engraving from 1886 book True Stories of the Reign of Queen Victoria by Cornelius Brown
« Il y a trois Parsis qui meurent chaque jour à Bombay et les corps s’empilent en plein coeur de la ville, c’est un vrai problème », confie Jehangir Patel, du magazine Parsiana.
La communauté fait donc ce qu’elle a toujours fait : elle innove. Quatre panneaux solaires ont récemment été installés sur les tours du silence. La technologie moderne au service d’un des rites funéraires les plus anciens de l’humanité.
Riding the dreams (Kanasembo kudereyaneri) un film de Girish Kasaravalli
L’action se déroule dans une région désertique du Karnataka, un état du sud-est de l’Inde. Irya vit à l’écart d’une ville et de la communauté, avec son épouse et dans des conditions extrêmes de précarité. Irya est le croc-mort de la région. Il peut anticiper les morts dont il aura à s’occuper grâce à Siddha, son Gourou qui le visite en rêve pour le prévenir. Lorsque le film débute, Irya est particulièrement malheureux car il n’a à se charger d’aucun mort. Il n’a alors aucun revenu pour survivre, sinon le modeste pécule que son épouse ramène à la maison en travaillant dans les champs. Siddha vient à Irya mais son annonce sera trahie par le mensonge d’une riche famille qui préfère taire le décès de l’ailleul. Irya s’en trouve bouleversé car lui croit que c’est Siddha qui l’a trompé?
A la semaine prochaine !! Nous partirons en Australie …
Sandrine
La mort fait partie de la vie
Sources :
http://indedunord.free.fr/pages/mort/pages/la%20mort%20en%20inde.htm
http://www.payot-rivages.net/livre_Fous-de-l-Inde-Regis-Airault_ean13_9782228895859.html
http://lapsco.univ-bpclermont.fr/persos/dambrun/TDPIC/PIC1_2005_Inde.pdf
Riding the dream : http://www.laterna-magica.fr/blog/?p=11915
http://www.cyberpresse.ca/voyage/201107/18/01-4418868-sur-les-traces-de-gandhi.php