Alors qu’en Europe l’enterrement est un événement triste et douloureux, aux Antilles, c’est une période de fête et de rassemblement. En Martinique, il suffit de voir à l’occasion de la Toussaint, les cimetières se remplir de monde et s’illuminer pour évoquer la mémoire des défunts. Les antillais ont un rapport particulier avec leurs défunts, où la douleur de la séparation de l’être aimé, laisse rapidement place à l’évocation joyeuse de la vie du disparu. Ainsi, pour comprendre ce spectacle, à la fois surprenant et féérique, je vous invite à un voyage dans le temps d’antan.

 

 

Le mort et la mort d’antan

 

Les ainés de mon île (la Martinique) s’en souviennent encore de « Bazile ». C’était le nom donné à la mort à l’époque. Au temps d’avant, lorsque « Bazile » arrivait, c’était considéré comme une grande perte pour les parents mais aussi pour tous les habitants du quartier, voire même de la commune. Tout le voisinage était alerté du décès par « trois coups de « corne » (conque) de lambi ».

Chacun se sentait concerné par cette disparition, même les enfants à qui on ne préservait pas la vue d’un défunt : ils vivaient et partageaient la douleur des adultes. La nouvelle d’un décès circulait rapidement grâce à « des messagers appelés les « Kouri Sikilè » qui, quels que soient le temps et l’heure, étaient dépêchés à pied ou à cheval pour prévenir la famille vivante ». Aussitôt les parents, amis, voisins et voisines se regroupaient autour de la maison du mort, apportant café, sucre, bougies, pétrole, tissus, draps… « les tâches étaient réparties, la tradition voulant que la famille en soit exemptée ». La préparation du mort répondait à une tradition bien précise.

 

D’une part, « Les femmes rangeaient la maison, couvraient les miroirs de draps blancs et paraient le lit des plus beaux attributs après qu’une planche ait été posée sur le matelas afin de maintenir le corps bien droit. II était aussi de tradition de faire enjamber la dépouille par tous ceux qui avaient peur des morts ». 

 

D’autre part, « La maison et ses abords pouvaient être balayés mais les ordures laissées dans un coin ne devaient être jetées qu’au lendemain de l’enterrement. II fallait aussi pui­ser de l’eau dans la mare ou le puits d’à côté. La toilette mortuaire pour sa part était confiée à des « Matrones » quand le défunt était une femme et à des hommes pour leur semblable. II était ensuite expo­sé sur son lit jusqu’à la mise en bière. II fal­lait aussi prévoir au cercueil, car il n’exis­tait pas d’entreprise de Pompes Funèbres ».

 

Enfin, « La tradition voulait aussi que toutes les réjouissances prévues dans le quartier soient à cette occasion annulées ». Pour sa dernière demeure, le mort était habillé avec de beaux vêtements, souvent neufs. Certaines personnes prévoyantes avaient déjà leurs vêtements pour leur enterrement (pou jou lan mô mwen = pour le jour où je meurs). S’il n’avait rien prévu pour le jour de ses obsèques, la couturière du quartier confectionnait, en toute hâte, un habit pour le défunt.

 

Il ne devait emporter que des choses lui ayant appartenu. On disait : si on place dans le cercueil un objet appartenant à une autre personne, celle-ci se dessècherait au fur et à mesure de la décomposition du cadavre. C’était son billet assuré pour l’au-delà.

 

 

La veillée

cimetiere illuminé

 

A la nuit tombée, la veillée commençait : parents, amis et voisins se retrouvaient pour une grande fête dans la maison du mort. Celle-ci était facile à reconnaître grâce aux nombreuses bougies allumées tout le long du chemin et autour de la maison. « Tandis qu’à l’intérieur les dévotes enta­maient les litanies et égrenaient les chapelets pendant des heures, à l’extérieur régnait une autre animation ». En effet, dehors, c’était la fête. Une fête particulière, animée par les conteurs et les tambouilleurs. Les conteurs étaient là pour parler du défunt. Ils racontaient sa vie, par anecdotes plus ou moins rigolotes, évoquaient ses qualités et ses défauts. Ils le faisaient revivre en la mémoire de ceux qui l’avaient connu.

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L’enterrement

 

Le lendemain c’est le jour de l’enterrement, « dans la matinée on dépêchait quelqu’un pour faire la déclaration en mairie, quérir le certificat de décès, contacter le fossoyeur si l’inhumation se faisait dans un cimetière public, et enfin voir le curé pour la cérémonie religieuse ». Après l’enterrement, on raccompagnait les parents du mort. Et, durant les jours suivants, ils recevaient la visite de proches, d’amis qui proposaient leurs services en ce moment de douleur. Il se formait une véritable chaîne de solidarité autour de la famille endeuillée.

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Le deuil de nos grand-mères

 

Aux Antilles, nos ancêtres obéissaient à beaucoup de règles concernant le deuil :

  • Pour la mort des parents, une période de deuil était observée de trois ans pour la perte de sa mère. Deux ans de deuil avecvêtement noir uniquement, à manches longues et colletées et un an avec vêtement noir et blanc, violet ; deux ans de deuil pour le décès de son père.
  • Pour la mort des membres de la famille, il y avait un an pour un mari et un an de deuil pour les autres membres de la famille (s?ur, frère, tante, oncle, marraine, parrain). Les couleurs autorisées pour leurs vêtements étaient le noir, le blanc et le violet. Les femmes en deuil ne portaient pas de bijoux.
  • Durant la période de deuil, on ne va ni au bal, ni au cinéma.
  • Afin qu’il puisse partir en paix, on priait pendant les neuf jours qui suivent l’enterrement. Neuf jours pendant lesquels, on évoquait le défunt, sa vie dans le quartier ; on échange
    ait encore quelques plaisanteries et … la vie reprenait son cours.
  • Le quarantième jour après le décès, on demandait au curé de la paroisse de dire une messe pour le défunt pour le repos de son âme.
  • Avant de boire un ti punch, on versait quelques gouttes de rhum sur le sol pour les ancêtres.

 

 

 

Ainsi, règne un paradoxe entre les rites funéraires et la perception de la mort entre l’Europe et les Antilles. La semaine prochaine, je partagerais avec vous, les rites funéraires antillais d’aujourd’hui inspirés par les rites ancestraux.

 

Lyhia

~La mort fait partie de la vie~ 

 

Pour en savoir plus, vous pouvez lire le livre numérique « la veillée des Antilles ». http://books.google.be/ebooks?id=eAUJAAAAQAAJ&hl=fr

 

 

Source :

http://www.obseques-liberte.com/rites-funeraires/Antillais.htm