Comment expliquer le succès de la crémation ?
Qu’est-ce que la crémation ?
Il s’agit d’un moyen, par substitution à l’enterrement, par lequel le corps du défunt est brûlé. Lors de la crémation, le corps est placé dans un cercueil. Ce dernier est déposé dans un four chauffé à 850 degrés et l’ensemble sera brûlé pendant environ 1h30. La famille pourra alors récupérer les cendres du défunt qui font l’objet d’un rituel différent selon les sensibilités, l’appartenance religieuse, etc. Elles peuvent être conservées dans une urne ou dispersés dans un lieu généralement symbolique (comme la mer). Pour la crémation, il est indispensable que toute prothèse contenant une pile (un pacemaker par exemple) soit préalablement extraite du corps, celle-ci pourrait exploser. Le souffle de l’explosion pourrait s’avérer dangereuse et endommager l’appareil de crémation.
La crémation peut faire l’objet d’une cérémonie : des hommages sont rendus au défunt dans une salle. Des images et des souvenirs le concernant sont partagés. La famille peut ainsi disposer d’un moment de recueillement selon ses cultes et croyances.
En Belgique, d’un point de vue juridique, les familles peuvent disposer relativement librement des cendres.
En France, la législation diffère. En effet, « la loi du 19 décembre 2008, qui a donné un statut aux cendres, a interdit qu’on puisse les privatiser en les gardant chez soi. Si les familles hésitent sur leur destination, elles peuvent les laisser en dépôt pendant une année, le temps de prendre une décision. » (Le Monde, 31/10/2012)
Les proches peuvent, par exemple, disperser les cendres dans le jardin du cimetière.
Une crémation coûte en moyenne 2700 euros.
En effet, il y existe, d’une part, des frais communs à tous types d’obsèques. Il s’agit des frais de transport et de soins du défunt, des formalités de gestion du personnel, de la mise en bière, de la location du corbillard et de l’achat du cercueil. Le tout coûte environs 1700 euros.
D’autre part, s’ajoute à ceux-ci les frais spécifiques à la crémation : frais d’incinération, location de la salle dans laquelle se déroulera la cérémonie et organisation de la cérémonie elle-même. À titre d’exemple, au Père Lachaise (Paris), cela revient à environs 1000 euros.
Le terme « crémation » vient du mot latin « cremare », qui signifie « brûler ». Notons que le terme « incinérer » est parfois utilisé pour désigner ce procédé.
Un changement dans la société
L’inhumation remonte aux origines romaines de notre société occidentale bien davantage qu’à ses origines chrétiennes. Elle a cependant été reprise et perpétuée par la religion chrétienne et constitue plus de 2000 ans de tradition d’inhumation. Le succès de la crémation peut être perçu comme un réel changement dans les mœurs.
Selon le site www.crematorium.eu, la première crémation remonte à 3000 ans avant Jésus-Christ, et a toujours été pratiquée depuis lors. Elle a toujours eu une place, bien que secondaire, jusqu’en 785, année lors de laquelle l’Église s’y opposa farouchement. En effet, le Capitulaire Saxon a menacé de peine de mort quiconque recourrait à la crémation. Elle reprend du succès au cours du 17 ème siècle. Enfin, en 1886, l’Eglise a pris officiellement position en interdisant de funérailles ecclésiastiques quiconque choisirait d’être incinéré. L’interdit fut levé le 15 juillet 1963 par le Vatican dans son décret de cadaverum crematione.
En 1975, seulement 0,4 % des obsèques consistaient en des crémations dans le monde. Aujourd’hui, on en compte plus de 30 % en France et près de 50 % en Belgique.
Selon l’étude de Piotr Kuberski aux USA, en Grande-Bretagne et en Allemagne, la crémation a encore plus de succès.
Une urne funéraire.
Pourquoi la crémation a-t-elle plus de succès ?
La crémation est un procédé plus simple, par opposition aux grandes pompes des enterrements classiques. La crémation est aussi plus hygiénique. Et enfin, elle occulte la mort apparente. En effet, l’enterrement implique toute une série d’images peu attrayantes dans notre société, notamment la putréfaction du corps. Effectivement, l’obsession de la jeunesse et la finitude de nos existences, aussi insupportables et insurmontables qu’elles soient, ont une grande influence dans le choix des rituels funéraires.
Selon un sondage Ipsos réalisé en 2010 auprès d’un millier personnes, la crémation est choisie à 52%. Plus de la moitié des Français choisissent la crémation pour leurs propres funérailles. Ils pensent que la procédure est moins gênante à gérer (puisque moins chère) et à vivre (vu la disparation rapide du corps du défunt) pour leurs proches.
La baisse de la croyance en la résurrection a aussi alimenté le succès de la crémation. En effet, selon le même sondage, la crémation est préférée par les non-croyants (67%). Seulement 27% des croyants pratiquants accepteraient de se faire incinérer. Notons que 41% des croyants (non pratiquants) accepteraient de se faire incinérer. L’idée de la résurrection implique de facto la conservation de l’enveloppe charnelle dans laquelle la personne a vécu. Sans enveloppe matérielle, le défunt ne pourrait renaître. Si le corps est brûlé, la résurrection n’a pas lieu. Cette réflexion est propre aux croyants les plus puristes.
L’argument économique pousse aussi 30% des Français à choisir la crémation. En effet, le procédé, est moins cher que celui de l’inhumation.
D’un point de vue technique, la crémation limite l’utilisation de l’espace et les dépenses énergétiques liées à l’enterrement mais implique des rejets atmosphériques toxiques ainsi qu’une consommation énergétique destinée à l’incinération.
Un des salles de cérémonie du cimetière du Père Lachaise
La crémation et la religion
Le Judaïsme
Les Israélites de l’Ancien Testament ne brûlent pas leurs morts. Selon la religion juive, la crémation est uniquement un acte de justice divine. Il s’agit d’une punition individuelle comme mentionnée dans le Lévitique (20, 14) « Si un homme prend pour femmes la fille et la mère, c’est un crime : on les brûlera au feu, lui et elles, afin que ce crime n’existe pas au milieu de vous », ou d’une punition collective comme dans la Genèse (1, 24) « Alors l’Éternel fit pleuvoir du ciel sur Sodome et sur Gomorrhe du soufre et du feu, de par l’Éternel ».
Pour le Judaïsme, il s’agit d’une désacralisation de l’oeuvre de Dieu et d’un avilissement du corps humain. Il y a devoir dans la religion juive de rendre à Dieu le corps dans l’état où il se trouve. Par opposition à l’inhumation, qui est un retour naturel à la création, la crémation est considérée comme une destruction par la main de l’homme. La prière pour les défunts est un devoir pour le croyant ; aussi est-il parfois possible qu’un temps de prière soit célébré avant une crémation, notamment par les juifs libéraux. En effet, chaque courant religieux contient ses mouvements plus libéraux. Ce dernier souhaite s’affranchir du poids des traditions et pratiquer la cérémonie funéraire de son choix, sans pour autant renier ses croyances.
Une représentation de la main divine.
L’Islam
L’Islam ne tolère pas la crémation. La religion possède ses propres rites funéraires que tout musulman doit respecter. Vous pourrez les retrouver dans notre article « Tour du monde de la mort : le Maroc »
La crémation n’est pas admise par le Coran, au même titre que toutes les pratiques funéraires qui ne respectent pas le corps (la momification par exemple). Pour les croyants musulmans, la sainteté du corps ne diminue pas avec la mort (ou le départ de l’âme) : ce qui fait souffrir un vivant peut aussi faire souffrir un mort. Il s’agit de permettre au corps de pouvoir ressusciter et c’est un devoir pour les croyants que de veiller au respect du corps d’un défunt.
Avis personnel sur la question
A mon avis, voir un proche se faire incinérer est une expérience encore plus difficile que celle de l’enterrement. En effet, après ce passage, il ne reste plus une seule trace du corps du défunt. L »illusion que le proche, même mort, existe encore un peu n’est plus possible. C’est, en fait, le signal définitif qu’il faut faire ses adieux au défunt. Un événement très lourd, voire trop lourd à supporter.
Nelson, stagiaire pour La Mort fait partie de la Vie
Sources
Le Christianisme et la crémation de Piotr Kuberski, Cerf, « Sciences humaines et religions »
Les cendres du temps, un article de Nicolas Weill paru dans Le soir
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cr%C3%A9mation
http://www.crematorium-perelachaise.fr/p_cremation_et_religions_57.html
http://www.dela.be/fr/assurance-obseques/combien-coutent-des-obseques