Le sujet a éveillé ma curiosité. Je croyais que toutes (ou enfin presque toutes) les personnes âgées mourraient, soit de mort naturelle, soit d’une maladie grave. Mais non, je me trompais!

En France, un tiers des suicides sont des suicides de personnes âgées. C’est un chiffre impressionnant! J’ai donc, pour vous (et en grande partie, pour moi aussi) approfondi le sujet pour comprendre quelles sont les raisons de ces suicides alors que la fin est si proche, et qu’il reste si peu de temps à «tenir». Il y a peut-être aussi des solutions à cette question.

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Une personne âgée en apparence paisible

Une petite réflexion sur le suicide

Selon moi chaque être humain est libre. C’est un des droits fondamentaux, dont nous disposons tous, que vous trouverez à l’article 3 dans la déclaration universelle des droits de l’homme. Ceci implique aussi la liberté pour chacun de disposer de son corps et de sa vie comme il le souhaite. Personne n’a jamais été arrêté en France ou en Belgique pour tentative de suicide, ce n’est pas un délit. Ces personnes âgées ont donc, à mon avis, le droit de décider quand elles quitteront ce monde. 

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La dépression est souvent une cause de suicide ©Thinkstock

Cependant, cette décision touche aussi les membres de la famille, il sera très difficile pour les proches d’accepter qu’un des leurs ait décidé de se suicider, et donc, de partir avant l’heure. Le suicide est, en fait, le résultat d’une décision personnelle. On pourrait, dès lors, se demander dans quelle mesure la procédure d’euthanasie remplace ce suicide des personnes âgées.  

Quelques constats sur le suicide des personnes âgées?

Chaque année, près de 3 000 personnes de plus de 65 ans mettent fin à leurs jours, c’est à dire, un tiers des 10 499 suicides recensés par l’Inserm en 2009, selon le journal «La Croix» dans un dossier sur le sujet.

Selon une enquête de «France Prévention suicide», en fin 2010, les plus de 85 ans sont les plus exposés aux tentatives de suicide (39,7 morts par suicide pour 100 000 habitants de plus de 85 ans, soit un taux deux fois supérieur à celui des 25-44 ans). En 2007, sur un total de 7.419 décès d’hommes par suicide, 25 avaient été commis par des plus de 94 ans, 106 avaient eu lieu parmi les 90-94 ans, 274 parmi les 85-89 ans et 453 dans la tranche des 80-84 ans. Les suicides de femmes en général et de femmes âgées en particulier sont trois fois moins nombreux que ceux des hommes. 

On remarque aussi que les tentatives suicides des personnes âgées sont plus violentes, en effet, selon Marguerite Charazac-Brunel, psychanalyste, enseignante à l’université catholique de Lyon et auteur de « Prévenir le suicide », ceux-ci veulent réellement mourir. Elles font, en général, deux tentatives au maximum, et la première est, malheureusement, souvent la bonne.

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Un visage marqué par le temps

Pourquoi les personnes âgées se suicident-elles?

Selon le docteur Michel Debout, il y a, au moins, trois types de suicides: Le suicide dû à une dépression, le suicide « euthanasique » et le suicide d’une personne qui se sent « déjà partie sur le plan social et moral ».

Selon la ministre Française en charge des personnes âgées et de l’autonomie, Michèle  Delaunay, il s’agit ici de décisions « d’en finir avec une vie qui ne vaut plus la peine d’être vécue ». Ces suicides sont souvent violents et arrivent principalement en été. C’est, en effet, la période pendant laquelle les personnes âgées se sentent le plus seules. Leurs proches sont en vacances et ont tendance à les délaisser. C’est le suicide lié à une dépression.

Les personnes âgées se sentent également inutiles, selon le docteur Hirsch, médecin généraliste en milieu rural. En effet, nous vivons dans une société mue par la recherche de performance et de rentabilité. C’est un monde auquel nos personnes âgées n’ont plus accès, de surcroît, la société a tendance à stigmatiser les « vieux » comme des personnes dépendantes totalement prises en charge par les travailleurs, vu que les cotisations sociales pour la pension leur sont reversées. Cela pourrait être une cause de suicide lié à l’impression d’être déjà partie sur le plan social.

L’allongement de la durée de la vie s’accompagne souvent de souffrances physiques, mais aussi psychologiques (deuils, dépendance, sentiment d’abandon, isolement, etc.) plus fortes. Nous retrouvons ici une explication au suicide « euthanasique ». Les personnes âgées se sentiraient dans un état avancé de leur maladie, comme si elles étaient sur un point de non retour.

Une autre explication serait le fait que la personne âgée soit témoin de la disparition de son conjoint. En effet, le sentiment de solitude serait alors renforcé. C’est ce que nous a expliqué le doyen  de notre dernier Café de la mort à Malmedy (dont vous trouverez un compte rendu ici). Une fois qu’il a enterré sa femme, il s’est senti seul, de plus en plus seul. Il a su cependant, se mobiliser et passer une soirée avec nous. Mais, cette solitude peut être une cause du suicide des personnes âgées.

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Un couple heureux

Le fait de voir son conjoint/sa conjointe souffrir d’une maladie grave, pourrait aussi jouer un rôle déterminant dans la décision de nos personnes âgées de mettre fin à leurs jours. De voir le corps impuissant de la personne qu’on aime, nous donne un aperçu de cette fin de vie qui approche. Cela peut avoir un côté effrayant. C’est ce qui est arrivé à la mi-septembre, près d’Orléans : un homme a tiré sur sa femme, atteinte d’un grave cancer et s’est, ensuite suicidé.

Marguerite Charazac-Brunel dit, en plus de toutes de ces causes précitées, que n’importe quel choc psychologique (un changement d’habitat, une dispute, une mort, ou autre) peut mener à un état de confusion et parfois jusqu’au suicide de la personne âgée.

Des solutions pour les aider?

Dans la loi d’anticipation et d’accompagnement de la perte d’autonomie qu’elle a pour mission de préparer la ministre souhaite inscrire quelques priorités comme « la lutte contre l’isolement des âgés, le rétablissement de liens intergénérationnels et de voisinage, l’amélioration des conditions sociales » des plus pauvres.  

La ministre Delaunoy souhaite également mettre en place un observatoire du suicide des personnes âgées. Par ce biais, elle pourrait analyser ce comportement et trouver des solutions adéquates sur base de rapports scientifiques approfondis. Cependant, selon Serge Guerin, cet observatoire est difficile à mettre en place car cette thématique n’est pas glamour, on préfère parler de l’évolution des jeunes que du déclin des vieux.

Participer aux cafés de la mort (dont vous trouverez une description en cliquant ici) peut permettre aux personnes âgées de se réintégrer dans un cercle social convivial. Elles y rencontreraient des personnes de tous horizons et de cultures diverses. Cela les sortirait de la solitude, elles rencontreraient des ami au moins une fois tous les 3 mois et d’autre part, elles participeraient à des conversations au cours desquelles leur voix est entendue. Elle pourraient y parler de leurs frustrations mais surtout partager des moments de joie avec les participants. J’ai d’ailleurs constaté, lors du dernier Café de la mort, que les participants les plus drôles étaient aussi ceux qui étaient les plus âgés.

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Notre Café de la mort à Malmedy (cliquez ici pour lire le compte rendu du café)

Participer à des forums ou plus généralement, être sur les réseaux sociaux,

peut aussi donner l’impression à nos personnes âgées d’être moins seules. Il s’agirait du même effet lié à l’utilisation de facebook, cela créerait une impression d’être liés à des « amis ».

Ressouder les liens familiaux, les proches sont, à mon avis les personnes les plus importantes aux yeux des grands, ou arrières grands-parents,

« Papy » et « Mamy ». Voir les petits derniers de la famille serait comme une bouffée d’oxygène et d’énergie dans leur vie. Comme le dit Jean-Claude Delgènes, directeur du cabinet Technologia, spécialisé dans l’évaluation et la prévention des risques professionnels, des améliorations sensibles sont remarquées quand on met les personnes âgées en présence d’enfants. Cela demande évidement un effort, car il faut organiser les rencontres et prendre contact avec des membres parfois éloignés.

Les plus jeunes pourraient par exemple aider leurs papy, mamy ou arrière grands-parents à composer leur album de vie numérique.

Les personnes âgées partageraient leurs mémoires d’une manière indélébile, puisqu’elles sont stockées sur les serveurs de Foruforever. Elles partageraient aussi leurs mémoires de vive voix, en passant un moment de complicité avec leur petits ou arrière petits-enfants. La personne âgée, potentiellement déprimée, prendrait alors conscient qu’elle est une réelle source de savoir, ce qui allimente patrimoine familial. La personne âgée se sentirait dès lors « utile » et réintégrée à sa famille.

Une solution «à l’Africaine» serait de vivre avec l’ancien dans une maison commune.

En effet, au Congo, les doyens (et les autres anciens, d’ailleurs) ne quittent pas la maison dans laquelle ils ont élevé leurs enfants. Même si les enfants, ayant grandi y restent et reprennent parfois la propriété du patrimoine. La famille peut rester unie, des arrière grands-parents aux tout petits enfants. Cette tradition fut aussi appliquée en France et en Belgique jusqu’il y a peu.

Cette tradition aurait-elle pu limiter le suicide des personnes âgées?

En tout cas, quand je serai vieux, j’espère ne jamais me retrouver dans une situation telle que j’en vienne au suicide. Même si le corps n’y est plus, j’espère garder un mental fort, pour résister à cette détresse.

Nelson 

Mes sources

http://www.michele-delaunay.net/delaunay/category/blog
http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2012/08/23/en-silence-en-france-un-tiers-des-suicides-ont-plus-de-65-ans/
http://www.marianne.net/Le-suicide-des-vieux-ecoutez-l-indifference_a223390.html 
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/08/08/01016-20120808ARTFIG00397-suicides-les-personnes-agees-une-population-a-risque.php

http://www.lexpress.fr/actualite/societe/le-suicide-des-personnes-agees-un-phenomene-en-recrudescence_1147415.html