Par Béatrice Gernot

Le 29 juillet 2016

 

«Perdre sa fille, son ado dans des conditions douloureuses, révoltantes, dans un temps à la fois resserré et distendu, juste avant Noël : les quatre jours de la maladie de Camille. Quatre jours. C’est court, et c’est long, très long, cela ne peut être. Et pourtant, dans ce temps suspendu où la douleur se vit seconde par seconde, où la mort semble inexorablement envahir le corps de Camille pour la saisir, Sophie Daull se jette dans l’écriture sans attendre. Juste cinq jours après l’enterrement de sa fille, dans une baignoire. Cela ressemble si bien à Sophie Daull qui ose proroger l’humour qui la reliait à sa fille. Sophie qui ouvre un cahier Oxford « avec couverture plastifiée et sans spirale » , comme Camille les aimait, pour commencer à dire. Dire pour ne pas oublier pour faire vivre encore et encore Camille. Dire au présent ce qui a été et devra lui survivre, comme une course contre l’oubli. Une course menée sans pathos mais dans une pulsion de vie nécessaire pour que le temps n’efface pas les souvenirs. Elle dit : « je ne supporte pas l’idée de te survivre un temps long comme l’oubli de ta mort ». Cette idée d’oubli de « la mort » m’interpelle profondément car tous autant que nous sommes, avons été, à un moment ou un autre, confrontés à la perte d’un être aimé. Nous aimerions garder l’intensité de ce qu’il fut, a été ; ressentir aussi fortement sa présence au fil du temps qui passe. Combattre l’effacement inexorable produit par le temps qui tend, au fur et à mesure des ans, à conjuguer l’être aimé au passé. Sophie Daull le sait et réussit à mettre tout de suite Camille au présent « avant que tout s’évanouisse ». Sophie sait, Sophie sent que « les particules fines de l’oubli envahissent déjà les détails ». Et ces détails, elle les restitue avec un infini amour, et avec cet humour dont elle ne se départ pas parce que c’est à sa fille qu’elle écrit et parce qu’elle ne veut pas d’élégie larmoyante. Elle veut lui parler comme elle lui parlait, en se souvenant de ce que sa fille aimait chez elle. Elle le fait pour mieux la prolonger. L’acte même d’écrire qui fait exister Camille est « un spasme de vie » pour Sophie. Mettre un point final à ce journal n’en est que plus douloureux. Et pourtant, face au courage de Camille, Sophie le pose.

Ce livre est un formidable acte de vie et d’amour qui nous les font exister toutes les deux intensément. Deux inséparables liées autant par la vie que la mort dans une éternité qui seule leur appartient et leur revient.

Camille, mon envolée Editions Philippe Rey

Camille, mon envolée