Jusqu’où faut-il médiatiser la mort?
Les images de cadavres mutilés sont devenues aujourd’hui habituelles dans tous les médias. Est-il réellement pertinent de montrer ces images à des heures de forte audience?
Mon coup de gueule
Je tiens dans cet article à exprimer mon point de vue concernant la « sur-médiatisation » de la mort sous toutes ses formes. Quel est l’intérêt de montrer des images parfois insoutenables dans des médias à forte distribution et/ou à des heures de forte affluence? Je vais développer ci-dessous tous les points qui me dérangent et que je trouve parfaitement scandaleux et stupides.
Banalisation de l’horreur
Rappelez-vous, il n’y a encore pas si longtemps que ça, les images de cadavres étaient tabous à l’écran. Je me souviens encore les scandales que cela provoquait au début lorsque ces images chocs sortaient. Cela n’arrivait pas souvent et provoquait un buzz incroyable à chaque fois. Cela avait au moins le mérite de toucher le spectateur, et de susciter quelque chose de très fort chez lui.
Aujourd’hui, nous avons droit à notre lot quotidien d’horreur dans les journaux télévisés. Cela devient tellement habituel que le spectateur banalise cette violence et cette horreur. C’est vrai, plus personne ne se choque de voir des mutilés de guerre à la télévision aujourd’hui. C’est rentré dans les habitudes des gens. À tel point que cela n’a plus aucun impact sur eux. Je ne dis pas que le spectateur reste insensible devant de telles images, mais simplement que le but normalement attendu d’une médiatisation de telles images n’est plus atteint. C’est le même principe que l’histoire de « Pierre et le loup ». Aujourd’hui, ça parait normal d’avoir l’horreur servie sur un plateau tous les jours. Mais bon sang, on est pas dans un film là, ce n’est pas de la fiction, tout est bien réel. Les morts sont morts, les familles sont déchirées, des gens comme vous et moi, tous les jours !
En résumé, je trouve que l’utilisation de ce type d’image ne devrait pas être faite dans le but de faire toujours plus d’audience, et donc d’en arroser les médias pour faire au moins aussi bien que son voisin. Je trouve, que comme à l’époque il me semble, il faut en faire une utilisation beaucoup plus intelligente et appropriée. Afin que l’image touche réellement le spectateur, suscite des réactions et soulève à chaque fois une révolte de l’opinion publique.
L’audience au profit du bon sens
En plus des éléments cités plus haut, il y a d’autres points qui rendent cette médiatisation abusive complètement irréfléchie et irresponsable. Se soucient-ils de l’impact que de telles images a sur les plus sensibles d’entre-nous?
Cela fait des années que je m’insurge contre ce paradoxe complètement hypocrite et absurde : quand on montre de la fiction à la télé, au cinéma, dans les jeux vidéos, les producteurs sont soumis à une réglementation les obligeant à apposer des signes distinctifs sur leur œuvre : -18, -16, etc… Également à refuser l’entrée en salle aux personnes ne respectant pas l’âge autorisé. À la télé, c’est l’heure de diffusion qui est retardée selon la catégorie du film.
Par contre, dans les journaux télévisés, aucun problème !!! Liberté totale… et ne venez pas me dire que l’hypocrite « Attention les images qui vont suivre peuvent choquer » change quoi que ce soit… D’autant que nous n’avons pas le temps de zapper ou d’éloigner les âmes sensibles avant que les horreurs nous frappent la rétine. C’est ridicule…
Hypocrisie supplémentaire : le 20 novembre dernier, le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel en France), a adopté une recommandation (n° 2013-04 relative « au traitement des conflits internationaux, des guerres civiles et des actes terroristes ») appelant les chaînes à s’abstenir « de présenter de manière manifestement complaisante la violence ou la souffrance humaine lorsque sont diffusées des images de personnes tuées ou blessées et des réactions de leurs proches ». Elle demandait aussi que la diffusion de ces images « difficilement soutenables » soit « systématiquement précédée d’un avertissement explicite au public destiné à protéger les personnes les plus vulnérables ».
Autant pisser dans un violon, soyons clair… Lorsque des sommes colossales liées à l’audience sont en jeu, il ne faut pas donner des conseils, mais obliger les chaines !!! « Attention, c’est pas bien de montrer de telles images, essayez de faire un effort… non? sur? bon d’accord au moins on ne pourra pas m’accuser de n’avoir rien tenté… » C’est exactement ça que je ressens.
Des solutions?
La plus radicale serait de ne plus regarder les journaux télévisés qui diffusent à profusion ce type d’images. Ou au moins de zapper lorsque cela arrive. Puisque ces gens ne voient que par l’audience, autant leur faire comprendre notre mécontentement par ce biais. Il est important de parler des massacres ou des catastrophes qui se passent dans le monde, c’est essentiel même. Mais je ne vois aucun intérêt à diffuser des images chocs à ce propos. Pas besoin d’imager des propos d’horreur pour en comprendre l’importance. Et puis, pourquoi pas imaginer avec les quelques secondes gagnées en ne diffusant pas de telles images de terminer les journaux télévisés avec des images d’espoir, que le monde ne tourne pas autour de la mort et de choses négatives.
Je serais vraiment très intéressé de connaitre votre avis sur le sujet et vos éventuelles solutions à ce fléau.
Aurélien pour « La mort fait partie de la vie ».