Depuis la nuit des temps, l’homme a créé des rites, des rituels pour des moments importants de l’individu ou de la société (naissance, moissons, passages, mariages, mort…).

Funérailles et deuil : oser des rituels

Funérailles et deuil : oser des rituels

Les religions ont pris en main un bon nombre de ces rituels, ce qui permet d’y recourir effectivement. Mais force est de constater, en particulier en Occident, une forme de désinvestissement des pratiques religieuses, ce qui prive malheureusement les cérémonies de funérailles de certains rituels et laisse place à une pratique laïque, un peu vide parfois, sous la responsabilité d’opérateurs funéraires pas toujours assez préparés et des familles souvent démunies. 

Combien de personnes n’ai-je entendues témoigner en déplorant avoir assisté à une cérémonie funèbre triste, creuse, déplorable, « sans rien »… 

Donnons du sens à nos cérémonies funéraires.

Donnons du sens à nos cérémonies funéraires.

Accepter la mort d’un proche, son absence, le manque à venir est déjà bien difficile. Alors ne rien dire, ne rien faire, quand on l’accompagne au crématorium, au cimetière, c’est comme si le défunt était mort « deux fois » : dans la réalité de son corps et symboliquement, dans l’absence de paroles et de gestes. Le chagrin en silence et le repli de chacun, la crainte de s’exprimer agissent comme des étouffoirs de la vie qui doit se rappeler et continuer. 

J’ose pourtant croire que l’on peut préparer une cérémonie de funérailles « vivante », qui fait du bien, qui permet de mieux passer l’épreuve de cet adieu, qui amorce le travail du deuil à venir. 

C’est à partir d’expériences personnelles et professionnelles que j’ai acquis cette conviction.

C’est parce que j’ai été si dépitée et si triste à l’occasion de certaines cérémonies, que j’ai décidé qu’il en serait autrement pour mes morts « bien aimés », ou pour ceux qui sollicitent mes services d’accompagnement par l’écriture. Et j’ai vu la différence : parler de la mort plutôt que la taire et aller au-devant d’une préparation active, chaleureuse, poétique, créative de cérémonies changent symboliquement et réellement les choses. 

Laissant respectueusement de côté les cérémonies religieuses, qui sont moins mon propos ici, je souligne heureusement qu’il advient de belles cérémonies civiles qui utilisent des rituels « classiques » : la présence des proches, qui honore et réconforte, les fleurs qui offrent leurs couleurs et leur parfum, les éloges, les récits de vie, les témoignages, la musique qui met du baume sur les coeurs et qui allège l’atmosphère… Pour moi, il n’y en a jamais trop…

C’est tellement mieux quand il se passe quelque chose. Ça réunit tout le monde, c’est comme si cela soulevait l’inutile chape de plomb que pose la peur de la mort. 

Mais j’ose croire que l’on pourrait aller plus loin…

 Il est des traditions, dans d’autres pays, où, même si l’on pleure, on avance davantage bras dessus bras dessous avec Madame la Mort, où l’on dessine des chemins de fleurs, où l’on dresse des buffets gourmands pour les défunts (Mexique), où l’on n’hésite pas à « régler ses comptes » avec le défunt avant que la terre ne le recouvre (Togo), où l’on allume des brasiers à la vue de tous (Inde), où l’on fabrique d’incroyables cercueils (« crazy coffins », Ghana), où l’on danse, où l’on chante… 

J’ose croire aussi que l’on pourrait aller plus loin dans les paroles, oser les anecdotes, l’humour, la fantaisie, on pourrait raconter des histoires, solliciter les uns et les autres pour participer, donner un peu d’eux-mêmes, jouer de la musique, chanter, prendre du temps, laisser survenir l’informel, le spontané…

Bouquet de vieBouquet de vie

Pas forcément facile, vu de loin : il faut juste s’y lancer !… J’ai vraiment la conviction que si l’on parle de la mort, si on la considère comme faisant partie de la vie et que l’on essaye de ne pas se laisser accabler quand elle survient, on accepte mieux, on vit mieux, tellement mieux que lorsque l’on est terrassé, verrouillé sous le poids du tabou, du non-dit, de la « frigorification » du non-faire. Bien sûr, cela suppose de s’y préparer, de l’admettre, d’y penser avant, pour soi comme pour les autres… De s’y préparer, chacun à sa façon, avec curiosité, par des échanges, une pratique spirituelle ou religieuse, mais aussi avec créativité, fantaisie, audace… 

Je citerai à titre d’exemple un détail concernant les funérailles (nationales) de Mélina Mercouri, actrice, chanteuse, femme politique grecque renommée, mais aussi fumeuse invétérée, qui mourut en 1994, à l’âge de 73 ans, d’un cancer du poumon : de nombreuses personnes venues lui rendre hommage ont déposé sur son cercueil des paquets de cigarettes…

Hommage paradoxal et ironique, mais ô combien tendre, familier et attentionné… Quelques suggestions de gestes : Pour un enfant, on peut bien sûr déposer des pétales de fleurs sur le cercueil, mais on peut aussi jeter des plumes en duvet, faire souffler des bulles, lancer des ballons avec des messages, des poèmes, dire des comptines…

Pour tous, on peut apporter à la cérémonie, religieuse comme laïque, des objets ayant appartenu au défunt, des créations qu’il ou elle a réalisées, des objets importants, des jouets, des chapeaux…

Bouquet de vie, fleurs d'identité.

Bouquet de vie, fleurs d’identité.

On peut apporter des feuilles et des enveloppes pour permettre à tous ceux qui le désirent de laisser un message à l’attention du mort sur ou dans son cercueil. On peut réaliser des messages sous forme de création plastique, comme ce « bouquet de vie, fleurs d’identité » en photo ci-contre, petites maisons de papier, avec citations pour un papa architecte bien aimé… On peut faire entendre des enregistrements de chants d’oiseaux, dans le même temps où l’on projette des photographies d’oiseaux, si le défunt aimait ces derniers… 

On peut tout imaginer. 

On peut faire beaucoup… Si on le fait avec conviction, on contribue avec amour et tendresse à une meilleure acceptation de cette mort inéluctable et à un soulagement.

Lors d’une cérémonie de funérailles, particulièrement animée et émouvante, que j’ai accompagnée, un jeune homme présent a signé ainsi le livre de condoléances au crematorium :

« Quand on voit une cérémonie comme ça, on a envie de vivre ! »… 

Michèle Geoffroy
Ecrivain public, conseil en écriture, biographe.

Si vous souhaitez me contacter voici ma page sur le site de la fondation : http://lamortfaitpartiedelavie.com/michele-geoffroy/