La mort comme « ouverture désirée »

Par Béatrice Gernot

Oser voir la mort en face, l’apprivoiser, la comprendre, l’intégrer, l’incorporer dans notre vision même de la vie, voici une belle manière de s’en faire « une amie », la mort comme amie comme la nommait Rilke.

Alors que la seule chose dont nous sommes sûrs est que nous allons mourir, croyants et non croyants restons le plus souvent effrayés devant le mystère de la mort. Or, si nous changions de perspective, si nous considérions que la mort fait partie intégrante de la vie, nous élargirions notre propre vie. Pierre Teilhard de Chardin nous le dit : « La mort est chargée de pratiquer, jusqu’au fond de nous, l’ouverture désirée ». Dans le camp d’Auschwitz alors que l’idée même de vie semblait abolie, Etty Hillesum parlait de la même chose quand elle écrivait : « Regarder la mort en face et l’accepter comme faisant partie intégrante de la vie, c’est élargir cette vie ». Les taoïstes comparent, quant à eux, la Voie à un fleuve : avant de se jeter dans la mer, une partie de ses eaux s’évapore, se transforme en nuages et retombe en pluie qui vient réalimenter le fleuve à sa source. La vie comme éternel recommencement et non comme fin. Ces trois mots de Rilke : « Meurs et deviens » nous le disent aussi à leur manière. Ne sont-ils pas une invitation à nous inclure dans le merveilleux cycle de la vie où à partir du rien advient le tout ?

Dans son livre, François Cheng nous invite à renverser notre perception de l’existence humaine. Autant de questions qui nous interrogent, nous font cheminer et nous amènent à envisager que « Mort et vie sont réunis dans un même souffle ». Dans sa cinquième méditation, il écrit :
« Nuit, mère des lumières / En son sein lumière ». Le poète semble avoir contracté sa pensée pour nous la délivrer agrandie.

Cinq méditations sur la mort, autrement dit sur la vie / François Cheng /Albin Michel. Un livre dont on ne peut se séparer après l’avoir lu et relu. Agé de 84 ans, ce merveilleux poète nous livre ses pensées à la croisée de l’Orient et de l’Occident.

 

Béatrice Gernot

 

Cinq méditations sur la mort