J’ai eu la chance de pouvoir contacter Elodie, une étudiante infirmière de 21 ans. Lors de sa première année elle a fait son stage dans l’unité des soins palliatifs de l’hôpital Saint-Luc à Bruxelles. Bonne nouvelle, elle l’a réussi! Elle est actuellement en 2ème année. Elle nous raconte cette expérience aussi troublante qu’enrichissante…

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Elodie, ex-stagière en soins palliatifs

Voici son témoignage :

Pourquoi as-tu fait ton stage en soins palliatifs ?

Je n’ai pas choisi de faire mon stage en soins palliatifs, en 1ère année, nous avions deux stages imposés et celui en soins palliatifs était mon premier.

En tant que jeune, comment s’est passé le premier contact avec tes patients mourants ?

Tous les patients qui se trouvent en soins palliatifs ne vont pas forcément mourir, certains peuvent même retourner chez eux car leur santé s’améliore pour plus longtemps qu’on le pensait. 

J’appréhendais beaucoup ce stage, j’avais une certaine peur d’être confrontée à la mort quand j’ai appris en quoi consistait vraiment le service de soins palliatifs. Quand j’ai su que je serais tous les jours confrontée à des patients qui mourront, pour la plupart d’entre eux, dans les jours, semaines ou mois à venir j’ai . Ca n’a pas été facile pour moi au début, en tant qu’étudiante de 1ere année à un premier stage de m’occuper de patients mourants, on garde en tête cette « idée » que certaines de ces personnes peuvent mourir à tout moment, et c’est assez effrayant. L’équipe m’a beaucoup entourée, était là à tout moment s’il y avait un problème.

Pendant ce stage, j’ai connu 6 ou 7 décès, je m’étais occupée de la plupart de ces patients, et même si en soi on n’est pas proche de ses patients, ça nous touche malgré tout, la mort reste un évènement triste.

Y a t-il eu une différence entre ta relation avec les patients âgés et ta relation avec les patients plus jeunes ?

Je n’ai pas vu de patients jeunes durant ces 3 semaines, tous ceux que j’ai connu avaient un âge déjà avancé. Cependant, je me souviens qu’une patiente de 23 ans devait entrer dans le service, elle est décédé quelques minutes avant d’y arriver… Je pense qu’il est plus difficile de faire face à la mort de patients jeunes que celle de patients âgés, car même si ca nous touche toujours de voir une personne âgée décédé, cela parait plus « normal » que lorsqu’il s’agit d’un patient jeune.

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Les soins palliatifs, un soutien nécessaire

Quelle est la rencontre qui t’a le plus touchée? En quoi cette rencontre a-t-elle changé ta conception de la vie ?

Il y a plusieurs rencontres qui m’ont marquées. Mais je resterai marquée par une patiente en particulier, je m’étais fort attachée à elle. Elle me touchait car elle me rappelait ma grand-mère décédée il y a quelques années… Quand le côté personnel se mêle à la profession, il est d’autant plus difficile de travailler car les souvenirs refont surface.
Je pense que le fait d’avoir réalisé mon 1er stage dans ce service m’a permis de me renforcer par rapport à la mort que je rencontrerai toujours dans ce métier. Ce stage m’a aussi appris à prendre avoir la bonne distance avec les patients. Il est important de ne pas trop s’attacher, mais les sentiments ont une grande influence.

Après avoir été aussi proche de ces patients en fin de vie et en ayant vu certains d’entre eux qui étaient vraiment en souffrance ; je me dis que beaucoup d’entre nous ont la chance d’être en bonne santé et qu’actuellement, on se plaint vraiment pour rien. Si on est en bonne santé ça fait déjà vraiment beaucoup ! Certains patients se battaient jusqu’au dernier souffle pour rester présent.

As-tu été, toi-même, témoin de la mort d’un patient? Qu’est-ce que ça t’a fait ?

Je n’ai pas vu de patients mourir, mais il y a eu plusieurs patients dont je m’étais occupée le matin même ou la veille qui sont décédés le soir ou le lendemain. Ça fait très bizarre de se dire que le matin j’étais près de lui, à lui parler, le laver, lui donner à manger ou autre et de constater que quelques heures après il n’était plus   là ! Ca me touche forcément de voir ces personnes partir, et d’un autre côté je suis contente de savoir que j’a été présente pour ces personnes, que j’ai essayé de leur assurer le maximum de confort possible afin qu’ils quittent ce monde dans les meilleures conditions possibles.

Lors des décès, il n’y a pas seulement le patient lui même qu’il faut accompagner, il y a aussi sa famille et ses proc
hes. Lors d’un décès en particulier, j’ai eu l’occasion de parler avec la femme de ce patient, elle était restée à l’hôpital avec son mari tout au long de son hospitalisation, donc je la voyais chaque jour.

J’ai essayé de la consoler comme je pouvais en tant qu’étudiante.

Travaillerais-tu dans ce service à la fin de ta formation?

Bien que ça ait été un stage enrichissant, qui m’a vraiment plu et durant lequel j’ai beaucoup appris, pour l’instant je ne pourrais pas dire si je travaillerais dans un service de soins palliatifs un jour. C’est quand même un travail lourd émotionnellement, mais il n’est pas impossible que j’y travaille un jour.

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La communication entre une infirmère et sa patiente

Quel est ton ressenti après avoir fait ce stage? A t-il changé ta conception de la mort? Ton rapport à la mort était-il différent avant ton stage?

J’ai l’impression que ce stage m’a quelque part appris à faire face à la mort de patients en tant qu’infirmière, ce qui est totalement différent de s’il s’agissait d’un de mes proche.

Malgré ma grande appréhension, je ne regrette pas du tout d’avoir passé ces 3 semaines en soins palliatifs.
Je ne pense pas que ca a changé ma conception de la mort, car la mort reste un évènement qui fait partie de la vie qui sera toujours triste, tout le monde disparaîtra un jour ou l’autre, on ne peut rien y faire. 

Sachant que la mort est un sujet tabou. Quel serait ton message aux « jeunes » et à ceux qui ont peur d’en parler ?

Je ne pense pas que la mort doit être un sujet tabou, au contraire, il est nécessaire d’en parler, de parler de ses peurs face à la mort, de ses appréhensions, que ca nous concerne personnellement ou que ce soit par rapport à la mort des autres. Il est certain que ca n’empêchera pas les personnes concernées de mourir, mais ça peut nous aider à mieux accepter la mort et à nous libérer d’un certain poids. 

 Nelson