Nous lirons, ou relirons, ensemble la mort de Cyrano, le Cyrano d’Edmond Rostand. Rostand croyant sincèrement réhabiliter, ce personnage de tous temps controversé, ne fit qu’en renforcer le mythe.

Death and the Maiden lo res  

Chers amis,

« AIME-MOI, SAGE, PUISQUE JE T’AIME »                                                   

« SONGEZ A VIVRE LIBREMENT »

Voici ce que les habitants de la Lune se disaient en se quittant. Du moins dans « HISTOIRE COMIQUE DES ETATS & EMPIRES DE LA LUNE » écrit par Savinien Cyrano de Bergerac !

Le connaissez- vous ? Je parle du vrai Cyrano, celui né en 1619 dans la région de Chevreuse, où se trouvait la terre de Bergerac. 

Cyrano de Bergerac est un mythe. Le « Petit Larousse Illustré » définit le MYTHE notamment comme suit :  » Construction de l’esprit qui ne repose pas sur un fond de réalité.  » Maintes choses fausses ont  circulé autour de Cyrano. 

Déjà, il n’est pas gascon. Vaillant soldat, il  fut, en effet, glorieusement blessé au siège d’Arras.

Bretteur ? Non. S’il dégaina souvent, ce ne fut jamais pour son compte. D’ailleurs, son nez, ce pauvre nez, était tout à fait normal.

Libertin ? Il mena pendant une petit période, une vie de libertin. Ensuite il fut sobre et chaste.

Ecrivain, physicien, poète, humaniste, apprécié malgré son caractère fantasque. Sa philosophie païenne repousse toutes les orthodoxies, les religions et tous les conformismes.

Il avait de solides connaissances scientifiques et astronomiques. Il professa des idées qui mirent sa vie en péril. 

N’oublions pas que nous sommes dans les années 1636, que son maître à penser Giordano Bruno fut brûlé vif  pour avoir cru en la pluralité des mondes.  On mourrait réellement pour des idées et pas de mort lente, mais violente.

Cyrano décrivait  » des choses qui soient arrivées dans la lune, puisque cette terre où nous sommes, il faut croire qu’elle sert de Lune à un autre monde  » LA-LUNE-ET-LE-SOLEIL.jpg

 

Trop dérangeant, il mourut en 1655 à 34 ans, d’une bûche tombée sur son crâne.  A cette époque, on jetait n’importe quoi par les fenêtres…..    

Il écrivit  :

« LE PEDAN JOUE »  – comédie

« LA MORT D’AGRIPPINE » – tragédie

« HISTOIRE COMIQUE DES ETATS ET EMPIRES DE LA LUNE »

« HISTOIRE COMIQUE DES ETATS ET EMPIRES DU SOLEIL »

« LETTRES SATIRIQUES DE CYRANO »

Ses oeuvres furent un terreau dans lequel puisèrent pas mal d’autres écrivains et hommes de théâtre, dont le plus célèbre, n’est autre que Molière.

Nous lirons, ou relirons, ensemble la mort de Cyrano, le Cyrano d’Edmond Rostand.  (1868-1918). Rostand croyant sincèrement réhabiliter, ce personnage de tous temps controversé, ne fit qu’en renforcer le mythe.

Acceptons ce qui suit, comme un frais bouquet de printemps !

LA GAZETTE DE CYRANO »  de CYRANO DE BERGERAC –

Cyrano 2

Comédie héroïque en 5 actes, en vers, d’Edmond Rostand. 

Un petit résumé : amoureux fou de sa cousine Roxane, une précieuse, qui aime les belles lettres, Cyrano, poète, se trouvant trop laid n’ose se déclarer.

Christian de Neuvillette, également amoureux fou de Roxane, n’ose se déclarer car il ne sait pas s’exprimer poètiquement. 

Roxane est également amoureuse du beau Christian et attend avec impatience sa façon de déclarer sa flamme.

La soirée est douce, Roxane se trouve sur son balcon, Christian en dessous et en profite pour se déclarer. C’est  désastreux. Il fâche Roxane. Cyrano à ses côtés, décide de l’aider et intervient.

Rappelez-vous la magnifique scène du baiser. Roxane est émue par les paroles de Cyrano et Christian monte cueillir le baiser de la gloire… 

Cyrano et Christian  combattent ensemble au siège d’Arras. Malgré les risques, Cyrano écrit et envoie journellement une lettre à Roxane en lieu et place de Christian. Quand, Cyrano comprend que sa cousine est surtout amoureuse de ses belles lettres, il reprend espoir et décide de tout lui dire. Christian meurt pendant le siège, Cyrano gardera le secret.  

Roxane prend le voile. 

Depuis 14 ans, Cyrano vient la voir tous les samedis. Il lui raconte ce qui se passe en dehors de son couvent. 

Aujourd’hui,  il arrive en retard pour la première fois. Il s’est fait attaquer lâchement par derrière et est blessé mortellement.  

C’est l’automne, Roxane installée en dessous d’un arbre l’attend. Finalement, il arrive très pâle, s’asseoit  sans rien laisser paraître.

Roxane  : depuis 14 années, pour la première fois en retard !

Cyrano   : Oui, c’est fou ! J’enrage, je fus mis en retard par une visite inopportune

Roxane  :  Ah ! oui ! quelque fâcheux ?

Cyrano   : cousine, c’était une fâcheuse.

Roxane  : vous l’avez renvoyée ?

Cyrano   : Oui, j’ai dit : « Excusez-moi, mais c’est aujourd’hui samedi, jour où je dois me rendre à une certaine  demeure. Rien ne m’y fait manquer : repassez dans une heure ! « 

Roxane : Eh bien ! cette personne attendra pour vous voir. Je ne vous laisse pas partir avant ce soir.

Cyrano  : peut-être un peu plus tôt, il faudra que je parte. Du diable si je peux jamais, tapisserie, voir ta fin !

Roxane :  j’attendais cette plaisanterie.

Cyrano détaille la gazette de la semaine et est pris d’un malaise. Roxane court vers lui en criant « Cyrano », qui revient à lui et  dit.

« Ce n’est rien, c’est ma blessure d’Arras qui…quelquefois…vous savez….mais ce n’est rien, cela va finir ! « 

Il sourit avec effort.

Roxane, debout près de lui. « Chacun de nous a sa blessure. J’ai la mienne. Toujours vive, elle est là, cette blessure ancienne » Elle met la met à la poitrine. « Elle est là, sous la lettre au papier jaunissant où l’on peut voir encor des larmes de sang ! »

Le  crépuscule commence à tomber.

Cyrano : Sa lettre !….N’aviez-vous pas dit qu’un jour, peut-être, vous me la ferez lire ?

Oui, je veux aujourd’hui.

Cyrano ouvre la lettre et la lit tout haut :

« Adieu, Roxane, je vais mourir.

C’est pour ce soir, je  crois, ma bien-aimée !

J’ai l’âme lourde encor d’amour inexprimée,

Et je meurs ! jamais plus, jamais, mes yeux grisés,

Mes regards dont c’étaient… « 

Roxane  : comme vous la lisez Sa lettre…

La nuit vient insensiblement.

Cyrano :…. « dont c’étaient les frémissantes fêtes,

Ne baiseront au vol, les gestes que vous faites :

J’en revois, un petit qui vous est familier

Pour toucher votre front et je voudrais crier…. « 

Roxane troublée : comme vous la lisez cette lettre

Cyrano : « et je crie, adieu, ma chère, ma chérie, mon trésor…mon amour »

Roxane : Vous la lisez d’une voix……mais que je n’entends pas pour la première fois.

Elle s’approche doucement sans qu’il s’en aperçoive, passe derrière le fauteuil et se penche sans bruit, regarde la lettre.

L’ombre augmente.

Cyrano : « Mon coeur ne vous quitta jamais une seconde

et je suis et serai jusque dans l’autre monde

Celui qui vous aima sans mesure, celui…. »  

Roxane : comment pouvez-vous lire à présent ? il fait nuit.

Cyrano tressaille.

Roxane : pendant 14 ans, il a joué ce rôle du viel ami qui vient pour être drôle. C’était vous.

Cyrano : Non, non Roxane, non !

Roxane : j’aurais dû deviner quand il disait mon nom. C’était vous !

Cyrano : non, ce n’était pas moi . Je vous jure…

Roxane : j’aperçois toute la généreuse imposture.Les lettres, c’était vous ! Les mots chers et doux, c’était vous ! la voix dans la nuit, c’était vous !

Cyrano : je vous jure que non

Roxane : l’âme c’était la vôtre !

Cyrano : je vous jure que non, je ne vous aimais pas, c’était l’autre.

Roxane : vous m’aimiez !

Cyrano : non, non mon cher amour, je ne vous aimais pas

Roxane : Ah ! que de choses qui sont mortes, qui sont nées ! Pourquoi vous être tu pendant quatorze années

puisque sur cette lettre, où lui n’était pour rien, ces pleurs étaient de vous,

Cyrano : ce sang était le sien !  

Roxane : alors pourquoi laissez ce sublime silence se briser aujourd’hui ? 

Cyrano : c’est vrai, je n’ai pas terminé ma gazette :

..

« ..et samedi, vingt-six, une heure avant dîné, Monsieur de Bergerac est mort assassiné ! « 

Il se découvre, on voit sa tête entourée de linges.

Cyrano : « d’un coup d’épée,

 frappé par un héros, tombé la pointe au coeur…

Oui je disais cela !…Le destin est railleur…
Et voilà que je suis tué dans une embûche

par derrière par un laquais d’un coup de bûche

C’est très bien. J’aurai tout manqué, même ma mort.

Oui, ma vie , ce fut d’être celui qui souffle et qu’on oublie !

A Roxane :

Vous souvient-il du soir ou Christian vous parla

sous le balcon ? Eh bien toute ma vie est là !

D’autres montaient cueillir le baiser de la gloire !

C’est justice, et j’approuve au seuil de mon tombeau;

Molière a du génie et Christian était beau…  

Roxane : je vous aime, vivez !

Cyrano : non ! car c’est dans le conte

que lorsqu’on dit : je t’aime ! au prince plein de honte,

il sent sa laideur  fondre à ces mots de soleil..

mais tu t’apercevrais que je reste pareil.

Cyrano délire : mais aussi que diable allait-il faire,

Mais que diable allait-il faire en cette galère ?

Philophe, physicien

rimeur, bretteur, musicien

et voyageur aérien,

Grand riposteur du tac au tac

Amant aussi, pas pour son bien !

Ci-gît Hercule-Savinien

De Cyrano de Bergerac

Qui fut tout, et qui ne fut rien.

Mais, je m’en vais, pardon, je ne peux faire attendre.

Vous voyez, le rayon de lune, vient me prendre.  

Je ne veux pas que vous pleuriez  moins ce  charmant,

Ce bon, ce beau Christian; mais je veux seulement

que lorsque le grand froid aura pris mes vertèbres,

vous donniez un sens double à vos voiles funèbres,

et que son deuil sur vous devienne un peu mon deuil.  

Cyrano est secoué d’un grand frisson et se lève brusquement :

« Pas là ! non ! pas dans ce fauteuil.

Ne me soutenez pas – personne

Rien que l’arbre !

Elle vient. Je me sens déjà botté de marbre, Ganté de plomb!

Oh ! mais…puisqu’elle est en chemin, je l’attendrai debout 

Roxane la voix défaillante : Cyrano !

Cyrano : je crois qu’elle me regarde… Qu’elle ose regardez mon nez, cette Camarde !

Il lève son épée : 

Que ditez-vous ?…C’est inutile ? Je le sais !

Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès !

Non ! non, c’est bien plus beau quand c’est inutile !

Qu’est-ce que c’est que tous ceux-là ! Vous êtes mille ?

Je vous reconnais tous mes vieux ennemis…

Le Mensonge, les Compromis, les Préjugés, les Lâchetés…la Sottise

Il frappe

« que je pactise ? Jamais, jamais

Je sais bien que vous me mettrez à bas;

N’importe : je me bats

Il fait des moulinets immenses et s’arrête haletant.

Oui, vous m’arrachez tout, le laurier et la rose !

Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose

que j’emporte, et ce soir, quand j’entrerai chez Dieu,

mon salut balaiera largement le seuil bleu,

Quelque chose que sans un pli, sans une tache,

J’emporte malgré vous,

Il s’élance et l’épée haute

et c’est…..

L’épée s’échappe de ses mains, il chancelle, tombe .

Roxane se penchant sur lui : C’est …?

Cyrano, rouvre les yeux,  la reconnaît et dit en souriant.

Mon panache !

Cette pièce jouée le 28 décembre 1897au théâtre de la Porte St Martin, remporta un vif succès. Ce personnage a tenté les plus grands acteurs. Mais rien ne dépassa jamais,(même Gerard Depardieu) l’interprétation de Daniel Sorano en 1960, à la télévision. (le 4ème en commençant par la gauche.)   

CYRANO-3-SORANO.gif 

En dépit de la crise, de la violence, de toutes les misères qui nous tombent sur la tête, de la mutation de notre monde, retrouvons sans honte notre sensibilité et laissons-nous envelopper par la douceur de cette poésie, dont les seuls messages, sont la sincérité de l’amour et l’esprit chevaleresque.

Je vous souhaite « UNE MINUTE D’EVEIL »   (qu’est-à-dire ?  lire ou relire mon article « LE DORMEUR DU VAL »)

Portez- vous bien et à la semaine prochaine ! 

Par Vivianne

Sources Image à la une :  http://www.lesgemeaux.com/spectacles/cyrano-de-bergerac/