LE LONG ÉTÉ de Lorenzo Pestelli (1935-1977)

2ème partie.

La première partie a été publiée le 20 novembre 2013,  retrouvez le ici !

lorenzo-perstelli-le-long-eteLorenzo Pestelli est loin d’être un voyageur soixante-huitard en panne d’émotions. Il rêve de justice, c’est un pur. Persuadé que la sincérité, l’amour des autres, est le « Sésame ouvre-toi », cet écorché vif, part pour partager ses richesses, qui sont toute intérieures. Son tour d’Asie, il le fait, loin des lumières et des paillettes.

Ce chemin de croix, ce St-Jacques de Compostelle, a été long et épuisant. A son retour, ses désillusions se mesurent à l’ampleur de son désespoir. L’âme à vide, il a compris « qu’à force d’aller au fond des choses, on y reste, « (Jean Cocteau), que le prix à payer est toujours surfait.

C’est alors que : « Ulysse se demande, si son voyage a valu la peine, si d’avoir fait pleurer Pénélope en son absence, était vraiment nécessaire à sa survie. »

Pas facile de résister au chant des Sirènes !

 

Je vous avais promis un « Conte pour enfants, qui rêvent d’une cachette. »

Le voici :

« Je suis assis sur une courge. Qu’elle s’effondre et je disparais dans sa coquille, les jambes en l’air et le visage en jus de brouillard jaune peuplé de pépins espiègles, qui, de la tempe au menton, déclencheront chez tous, un rire unanime.
Puis, on m’oubliera. Me trouvant près de la cheminée, je me préparerai à y passer l’hiver en me recroquevillant de façon à ce que, genoux sous le menton, je puisse m’enrouler dans la boule en forme d’utérus et attendre ainsi les événements.
Les plaies de la courge prendront du temps pour se fermer et cicatriser. La découvrant, un beau matin, toute belle, les valets de ferme la replaceront de nouveau près du feu mystificateur.
En elle, je m’inventerai des habitudes malgré la position inconfortable pour mes membres ; j’apprendrai à me nourrir dans son ventre-alcôve, je sucerai ses pédoncules. Quand j’aurai soif, je lècherai sa membrane effilochée et, le soir venu, couché en rond dans mon abat-jour, ah ! Je serai au chaud pour observer les allées et venues de ceux qui ont à faire dans les cuisines du roi !
Mais viendra un jour le boucher qui, d’un coup de hachette, tronquera les viscères qui m’enlacent. D’un ordre sec, on aura prescrit le courgicide !
Voyant l’amphibie que je serai devenu privé de sève nourricière et étouffé par l’air opprimant, se débattre sur les dalles comme pour se libérer de sa pulpe amère, la princesse de mes rêves reconnaîtra l’amant qu’elle avait oublié, mais trop tard pour empêcher que mon corps divisé ne perde les eaux de la vie !
La courge défigurée qui m’aura servi d’habitation sera jetée en terre inculte et les mulets qui en écraseront les fibres se joindront à l’oubli pour effacer ce qui reste de mon espoir. La pluie fera de moi un paquet de boue dont les ventouses se couvriront de rosée. » Roveredo, août 1967.

Gestation et accouchement étonnants, si l’en est ! La position fœtale, le miracle du liquide amniotique. Quand tout baigne… Ah ! Le temps où nous étions à l’abri ! Quoique….

Et encore :

 » La mort me guette et je ne sais où elle est !
Elle joue, je joue,
Elle saute, je m’esquive !
Un aigle ? Un lézard ?
Je suis mobile et attentif !
Estropié !
Une rafale !
Je m’étire, atrophié !
MAIS JE VEUX LA VOIR, LE PREMIER  » 

Et cela, j’ajoute un extrait de ce qu’il nomme « Piécette » :

A l’heure japonaise :

 »  …Le soleil ne vient pas cette année ! Serait-il, lui aussi, retardé par la faim ? Le soleil n’est pas pour moi qui descendrai avant que les pommiers ne fleurissent dans la terre enneigée !
Peut-être la lune viendra-t-elle peler sa pomme devant moi qui n’aurai plus de dents, ni de quoi mordre ?
Qui sait où seront mes dents, celles qui me restent, quand la lune descendra pour ricaner dans mon tombeau ?  » Kyôto, janvier 1966

« LE LONG ETE » décrit les souffrances endurées par Lorenzo Pestelli.

Ce « jusqu’auboutiste », qui s’interroge : « EST-CE QUE JE VAIS VOUS FAIRE LE CADEAU D’UN CRI ?« 

Eh bien OUI ! Car ce cri, nous l’avons entendu !

Le 11 septembre 1977, à l’âge de 42 ans, Lorenzo PESTELLI meurt accidentellement, sur une route marocaine près de Marrakech.

« LA SEULE COMPAGNE FIDELE QUI RESTE EN FIN DE COMPTE EST LA SOLITUDE ET LA SEULE CERTITUDE, LA MORT. » 

(Jean Richard – Janvier 2000 – Bibliographie) 

Mais parle-t-on bien de ce qu’on aime ? En ai-je dit assez pour vous avoir insufflé le virus ?
Courez à perdre haleine chercher ce livre !

Portez-vous bien !

La première partie a été publiée le 20 novembre 2013 retrouvez le ici !