Un logiciel détecte vos tendances suicidaires
Un programme informatique arrive à détecter les personnes suicidaires. Science-fiction ou réalité?
John Pestian, éminent scientifique à la clinique pour enfants de Cincinnati, est à la tête d’un projet informatique visant à détecter les tendances suicidaires chez des patients.
Le domaine d’expertise de Pestian s’étend à la médecine informatique, généralement utilisée par les spécialistes comme aide au diagnostique.
Afin de parvenir à réaliser son projet ambitieux et un peu fou, Pestian a du regrouper pas moins de 1400 lettres de suicides, provenant de tout lieu et de toute époque. Un travail colossal, entamé bien avant lui par Edwin Shneidman et ses collègues de l’Université de Californie, Los Angeles. Shneidman était un pionier dans le domaine de la psychologie.
C’est en effet Edwin Shneidmann qui, entre-autre, a introduit le concept de la « prévention du suicide ».
Fort d’une centaine de lignes téléphoniques de crise, Shneidman a pu amasser des dizaines de notes concernant les derniers mots de personnes suicidaires. Plus intéressant encore, il avait à l’époque déjà trié ces notes en deux catégories : celles pour qui l’auteur était passé à l’acte et les autres (appel à l’aide, blague de mauvais goût, etc…). John Pestian n’eut plus alors qu’à continuer le travail.
« Je ne me vois pas aller mieux un jour. »
« La vie est trop douloureuse. »
« Pardonnez mon acte, je vous en prie. »
« Je t’aime, je t’aime, je t’aime. »
Il est évident que ce projet pourrait faire l’effet d’une bombe dans le milieu médical et aider énormément de patients et de spécialistes. Le but étant bien sûr, à terme, de détecter et de soigner les personnes suicidaires.
C’est d’autant plus important lorsque l’on sait qu’aux États-Unis, il y a plus de suicides que d’accidents de voiture mortels : environ 1 suicide toutes les 14 minutes.
Ce qui a poussé Pestian vers ce projet est une simple question qu’il s’est un jour posée : lorsque l’on aperçoit un conducteur ivre, ou une personne armée entrant dans une banque, on appelle tout de suite la police. Mais quand on aperçoit quelqu’un assis les jambes dans le vide, comment savoir si elle compte se faire du mal ou pas? Et surtout que faire?
« Nous ne prenons pas de décisions« , précise Pestian. « Nous rassemblons simplement des informations afin que les spécialistes prennent de meilleures décisions« . Il s’agit donc uniquement d’un outil qui assistera les spécialistes, et qui donc en aucun cas ne les remplacera.
Cependant, John Pestian et son équipe ne compte pas s’arrêter là. En témoigne le programme installé sur son ordinateur. Il est d’ailleurs persuadé que ce prototype se retrouvera dans tous les cabinets spécialisés dans un avenir proche. Et c’est ici que le projet approche le plus de la science-fiction.
En effet, ce programme prototype « Sim » a pour but de se servir de la base de données des lettres et messages laissés par les personnes disparues, tout en offrant une interface graphique capable de communiquer avec le patient. S’en suit alors une analyse complexe du vocabulaire, de la grammaire utilisée par celui-ci, avec la base de données. De puissants algorythmes seront alors capables, selon Pestian, de détecter les tendances suicidaires, leur intensité et leur véracité.
L’interface proposée au patient sera présentée sous forme humanoïde à l’écran, et sera capable de se métamorphoser selon les souhaits des patients afin de leur présenter une personne qui leur inspire confiance et qui sera donc le plus enclin à les faire parler et partager. Par exemple, un soldat vétéran pour aider un soldat revenant du combat. Un héro de dessin animé pour un enfant, etc…
L’objectif du prototype Sim n’est pas vraiment de créer le psychologue idéal, c’est plutôt de créer quelqu’un à qui parler.
Parce que c’est la réponse – les tournures de phrases, la voix, les épaules qui s’affaissent ou les narines qui s’agitent, que Pestian et son équipe essayent d’extraire du patient. Tout ce qui peut un jour aider une infirmière ou un médecin à prendre une décision : est-ce que cette personne présente un risque de suicide ?
L’idée commence à porter ses fruits. Après quelques temps de développement, l’équipe décide de mettre le logiciel à l’épreuve. Pour ce faire, ils choisirent 40 spécialistes et le protoype Sim, et les soumirent à l’analyse d’une série de notes tirées des 1400 récoltées. Ils inclurent également dans le tas des « fausses notes », tirées du tas retrouvé chez Shneidman. Il fut alors demandé aux deux parties de déterminer la véracité des notes. Le résultat fut surprenant : les 40 spécialistes ont obtenu 50% de bonnes réponses. Sim a écrasé ses adversaires avec un taux de réussite de 80% !
L’équipe de Pestian a alors pu déterminer qu’il existait des pistes linguistiques utilisées par les suicidaires, détectables par Sim. Là où un humain pourrait passer à côté, Sim analyse froidement les paroles qu’il reçoit et détecte ces pistes.
Abreuvant Sim au fil des années, John Pestian réussit à déterminer de plus en plus de modèles linguisitiques. Par exemple, à force d’analyses, il découvrit que certains termes ou certaines tournures de phrase représentait le désespoir. Afin de peaufiner et continuer son projet, Pestian couple aujourd’hui les analyses informatiques à des interviews vidéos analysées par des spécialistes humains.
En résumé, nous sommes à l’ère d’une nouvelle médecine, beaucoup plus technologique, voir tirée par les cheveux pour certains. Mais les résultats sont là : grâce à des pioniers comme John Pestian, nous aurons bientôt une autre méthode de détection de maladie, plus précise, moins « humaine » et donc moins soumise aux erreurs.
Ne soyez pas effrayé, réjouissez-vous plutôt de tous ces progrès car ils vont dans le bon sens et vers des applications positives.
Aurélien
Sources
http://www.cincinnatimagazine.com/features/2014/01/02/last-words
http://img.webmd.com/dtmcms/live/webmd/consumer_assets/site_images/articles/health_tools/
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